C’est sur internet, via des vidéos et images des opérations militaires, que de nombreux Libanais du sud du pays découvrent avec horreur leurs maisons et villages détruits. Ainsi Ali Mourad a appris par un ami que l’immeuble de sa famille avait été dynamité par l’armée israélienne.
Dans le sud du Liban, théâtre d’affrontements entre Israël et le Hezbollah depuis plusieurs mois, les habitants assistent à distance et impuissants à la dévastation de leurs foyers et de leur région. Une déflagration dans le petit immeuble des Mourad, puis un nuage de fumée grise : les images aériennes ne laissent aucun doute sur les dégâts.
“Orphelins de leur terre”, des familles déracinées
Comme Ali Mourad, parti vivre à Beyrouth avec sa famille, des centaines de milliers de Libanais du sud ont dû quitter leurs villages. Son désir de garder un lien avec sa terre natale et de le transmettre à ses enfants se heurte à la réalité d’une région dévastée par les combats :
J’appréhende peut-être de les voir vivre orphelins loin de leur terre, comme je l’ai vécu.
– Ali Mourad, originaire d’Aïtaroun
Mais pour lui, revenir est “un droit, une obligation, pour la mémoire de mes ancêtres, le futur des enfants”. Un avenir qui semble pourtant bien incertain face à l’ampleur des destructions.
Des villages entiers dynamités
Fin octobre, une source proche du dossier listait sept villages frontaliers où les forces israéliennes dynamitent jour après jour des maisons, notamment à Adaïsseh le 26. L’armée affirme avoir utilisé “400 tonnes d’explosifs” pour détruire “un tunnel” abritant des armes du Hezbollah.
L’indignation a gagné les réseaux sociaux libanais quand une chaîne israélienne a montré son journaliste appuyer sur le détonateur pour déclencher une explosion côté libanais. Des scènes de destruction massive qui se répètent dans de nombreux villages.
Un héritage familial réduit en poussière
Pour Lubnan Baalbaki, la destruction de la maison familiale à Adaïsseh est comme si ses parents étaient “morts une seconde fois”. L’élégante bâtisse en pierre, conçue par son père artiste-peintre, renfermait ses oeuvres, sa bibliothèque, des souvenirs précieux.
Cette maison, c’était plus que des murs et des colonnes. C’est un projet qui nous a accompagné depuis l’enfance, nous a influencé et poussé vers l’art.
– Lubnan Baalbaki, chef d’orchestre
Des crimes de guerre selon les défenseurs des droits
Pour la Commission nationale libanaise des droits humains, ces destructions représentent “un crime de guerre”. Via des images satellites et des vidéos, l’institution publique recense des quartiers entiers “détruits de manière injustifiée et systématique” dans au moins huit villages, touchant maisons, écoles, lieux de culte…
L’ONG Legal Agenda évoque l’exemple de Mhaibib où “la majorité du village” a été rasée, “y compris 92 bâtiments” civils. Son enquêteur Hussein Chaabane rappelle que le droit international “interdit d’attaquer des biens civils” et que le “principe de proportionnalité” implique qu’on “ne peut pas faire exploser tout un village” pour une cible militaire.
Mais sur le terrain, la réalité est tout autre. Alors que le conflit s’enlise, les familles du sud assistent au dynamitage de leurs maisons, de leur histoire, de leur identité. Des images de guerre et de désolation qu’elles n’auraient jamais imaginé découvrir en regardant des vidéos sur internet, loin des combats mais au cœur de la souffrance.