Le ciel est gris au-dessus des ports bretons. Mais cette fois, ce n’est pas une tempête qui menace les marins. C’est une crise sans précédent qui s’abat sur toute la filière pêche, mettant en péril un pan entier de l’économie et de l’identité régionale. Les pêcheurs, eux, tentent de garder la tête hors de l’eau, mais jusqu’à quand ?
Le Guilvinec et Loctudy : épicentres d’une tragédie maritime
Direction le Finistère Sud, là où bat le cœur de la pêche bretonne. Au Guilvinec et à Loctudy, les quais sont de plus en plus clairsemés. En un an, 26 chalutiers sont partis à la casse, soit plus de la moitié de la flotte. Des navires qui pêchaient notamment les fameuses langoustines, fleurons des criées locales. Pour les bateaux restants, la mer est dure et les visages sont graves.
C’est la liberté d’être en mer, c’est le plus beau travail du monde, certes très dur, mais c’est un très très beau travail
Un pêcheur breton
Mais l’amour du métier ne suffit plus. Depuis un an et demi, l’activité de la criée du Guilvinec a chuté de 30%. Moins de bateaux, c’est moins de poissons à décharger et à vendre. Les dockers voient leur nombre de jours de travail fondre comme neige au soleil.
L’effet domino sur toute la filière
Marc, mareyeur depuis 20 ans, peine désormais à s’approvisionner localement en dorades, lotes ou raies. Et sans poissons bretons sur les étals, c’est toute la chaîne qui vacille. Sur le chantier naval aussi, les commandes de réparation et d’entretien des bateaux se font rares. Soudeurs, peintres, charpentiers… Des dizaines de familles s’inquiètent pour leur avenir.
Normalement, il y a du bruit partout. Mais c’est vrai qu’en ce moment, c’est plutôt assez morose. Maintenant, il faut trouver des pistes de diversification pour sauvegarder nos entreprises.
Pauline Henaf-Jézequellou, dirigeante de chantier naval
Loctudy résiste, le Guilvinec concentre
Face à la crise, les stratégies divergent. Le conseil départemental, qui gère les criées, envisage à terme de concentrer l’activité au Guilvinec. Une perspective rejetée par les irréductibles pêcheurs de Loctudy. Avec le soutien des élus locaux, ils veulent développer de nouveaux projets au sein de leur criée, comme l’algoculture ou la mytiliculture. Objectif : diversifier pour ne pas mourir.
Chaque petite ville du coin qui a la chance d’avoir un établissement comme une criée qui a tout l’équipement, en fait, pour permettre justement la débarque de poissons et l’expédition, est légitime pour continuer à travailler. Donc, ce serait du gâchis. Ce serait un gros, gros, gros gâchis.
Marie Aurenche, myticultrice à Loctudy
Car au-delà de l’économie, c’est toute une culture qui est en jeu. En pays bigouden, la pêche c’est une fierté, un art de vivre, un héritage transmis de génération en génération. Laisser les ports s’éteindre un à un, ce serait amputer la Bretagne d’une part d’elle-même.
L’Etat appelé à la rescousse
Alors que faire quand la pêche, principal employeur de la région, bat de l’aile ? Les regards se tournent vers l’Etat. Aides à la modernisation de la flotte, soutien à la diversification, allègement des charges… Les pêcheurs attendent des mesures fortes et rapides pour ne pas sombrer.
D’après une source proche du dossier, le gouvernement plancherait sur un plan d’urgence pour la filière. Mais le temps presse. Chaque jour qui passe, c’est un marin qui range ses filets, un bateau qui reste à quai, un savoir-faire qui s’étiole. C’est un morceau du patrimoine breton qui part à la dérive.
La mer, plus qu’un gagne-pain, une identité
Alors les Bretons serrent les dents et gardent espoir. Parce que la pêche ici, ce n’est pas qu’un métier, c’est une raison d’être. Ces hommes et ces femmes ont la mer chevillée au corps et à l’âme. Pour eux, hors de question de voir s’éteindre la lumière des phares et le chant des mouettes.
On n’en doute même pas
Un pêcheur breton, à la question de savoir si le combat pour sauver la pêche est perdu d’avance
Alors ils se battront jusqu’au bout, pour leurs bateaux, pour leurs ports, pour la mémoire de leurs anciens. Parce que l’océan est leur jardin et qu’on n’abandonne pas son lopin de terre, fut-il d’écume et de vent. La pêche bretonne n’a pas dit son dernier mot.