Un vent d’inquiétude souffle sur la filière du cognac français. Alors que les tensions commerciales s’intensifient entre l’Union européenne et la Chine, cette eau-de-vie d’exception se retrouve au cœur d’un bras de fer économique aux lourdes conséquences potentielles. Face aux menaces de surtaxes douanières brandies par Pékin, la France se mobilise pour tenter d’épargner ce fleuron de son terroir.
Le cognac, victime collatérale des tensions sino-européennes
Depuis plusieurs mois, les relations se crispent entre Bruxelles et Pékin sur fond de différends commerciaux. En réponse à l’imposition par l’UE de droits de douane supplémentaires sur les voitures électriques importées de Chine, l’empire du Milieu agite le spectre de représailles ciblant notamment les brandys européens, dont le cognac représente 95% des exportations.
Une menace qui fait frémir les acteurs de la filière, alors que la Chine absorbe à elle seule un quart des expéditions de cognac dans le monde. Depuis la mi-octobre, les importateurs chinois sont déjà contraints de déposer une caution auprès des douanes, préfigurant de possibles surtaxes dévastatrices.
Une filière qui se sent “sacrifiée” sur l’autel des tensions géopolitiques
Du côté de l’interprofession du cognac, l’incompréhension et l’amertume dominent. Beaucoup ont le sentiment d’être “sacrifiés” par le gouvernement français, qui a apporté un soutien appuyé aux sanctions européennes visant l’automobile chinoise, sans anticiper les dommages collatéraux pour d’autres secteurs.
Nous sommes pris en otages dans un conflit commercial qui nous dépasse totalement. C’est une instrumentalisation inacceptable de la part de la Chine.
Un représentant de la filière cognac
La France en première ligne pour défendre le cognac
Face à cette crise, le gouvernement français se retrouve en première ligne pour tenter de désamorcer les tensions et épargner la filière cognac. Une délégation emmenée par la ministre déléguée au Commerce extérieur, Sophie Primas, se rendra ainsi à Shanghai du 12 au 15 novembre avec pour mission de convaincre les autorités chinoises de renoncer aux surtaxes.
Lors de ce déplacement, qui coïncide avec la Foire internationale des importations de Chine (CIIE), grand-messe économique où la France aura un statut d’invité d’honneur, Sophie Primas aura pour objectif “de marquer avec force le rejet par la France” des menaces de sanctions “imposées arbitrairement” par Pékin et “dont le caractère politique est évident” selon une source diplomatique.
Un exercice d’équilibriste pour Paris
Mais derrière la fermeté affichée, Paris souhaite aussi ménager ses relations économiques avec son important partenaire asiatique. La ministre aura ainsi également pour mission de mettre en valeur les quelque 130 entreprises françaises présentes à la CIIE et très dépendantes du marché chinois.
Il ne faut quand même pas oublier qu’on a énormément d’entreprises françaises qui dépendent du marché chinois. Il n’est pas question pour nous de ne pas les mettre en valeur, de ne pas les écouter.
Une source diplomatique française
Un exercice d’équilibriste délicat pour l’exécutif français, pris en étau entre la nécessité de défendre un fleuron comme le cognac et la volonté de ne pas envenimer davantage les relations déjà tendues avec Pékin. L’avenir nous dira si la diplomatie française parviendra à infléchir la position chinoise et épargner la filière, sachant que le cognac n’est pas le seul secteur dans le viseur de Pékin.
Porc, produits laitiers… D’autres filières agricoles menacées
En parallèle du cognac, la Chine a également lancé des enquêtes antidumping visant les importations européennes de porc et de produits laitiers, faisant planer une menace sur ces secteurs cruciaux de l’agriculture française et communautaire.
Autant de signes qui témoignent de l’utilisation par Pékin de l’arme commerciale pour faire pression sur l’UE, quitte à prendre en otage des filières a priori sans rapport avec les différends de fond. Dans ce bras de fer qui s’annonce long et périlleux, le cognac n’est sans doute que la partie émergée de l’iceberg. L’avenir de ce nectar qui fait la fierté de la France se jouera désormais aussi dans les arcanes de la géopolitique mondiale.