Alors que les projecteurs sont braqués sur les interventions militaires de la Turquie en Syrie et en Libye, Ankara avance ses pions discrètement mais sûrement sur le continent africain. Du Sahel à la Corne de l’Afrique en passant par l’Afrique de l’Ouest, la Turquie étend son influence économique, diplomatique et sécuritaire à un rythme soutenu ces dernières années.
Un « partenaire recherché » en Afrique
Grâce à son passé « non colonial » et à ses projets dans les domaines de l’énergie et de la défense, la Turquie est devenue un « partenaire recherché » sur le continent africain selon des sources diplomatiques turques. Ankara met en avant l’absence de passif historique, contrairement aux anciennes puissances coloniales européennes.
Lorsque des dirigeants anti-impérialistes recherchent de nouveaux partenaires, ils pensent en priorité à notre pays
Une source diplomatique à Ankara
Un médiateur de poids dans la Corne de l’Afrique
Signe de son poids grandissant, la Turquie joue depuis juin un rôle de médiateur entre l’Éthiopie et la Somalie, deux pays de la Corne de l’Afrique aux relations tendues. L’objectif : garantir l’accès de l’Éthiopie aux eaux internationales via la Somalie, sans attenter à la souveraineté de cette dernière. Une mission délicate, rendue possible par la « confiance » suscitée par Ankara dans une région qui se méfie des grandes puissances et des pays du Golfe.
Une présence économique et humanitaire en Somalie
Cette confiance s’est construite notamment grâce à la présence turque en Somalie depuis une vingtaine d’années. Ankara y a multiplié les investissements : construction de l’aéroport de Mogadiscio, d’un centre d’entraînement militaire, d’un hôpital et d’écoles. Le navire turc Oruç Reis est aussi arrivé récemment pour explorer les ressources en hydrocarbures des eaux somaliennes.
Des accords énergétiques et miniers avec le Niger
Les ambitions turques ne se limitent pas à la Corne de l’Afrique. Au Niger, pays riche en or et en uranium, la Turquie a signé des accords de coopération énergétique et minière. La compagnie nationale turque MTA y possède déjà trois mines d’or et lorgne le potentiel en pétrole et gaz du pays.
Un fournisseur d’armes de premier plan
Au-delà de l’économie, la Turquie s’impose comme un partenaire sécuritaire de poids. Elle est devenue le quatrième plus grand fournisseur d’armes d’Afrique subsaharienne, avec des accords de coopération militaire signés avec plus de 25 pays. Drones, hélicoptères, avions d’entraînement, blindés : les équipements turcs séduisent sur le continent. Ankara forme aussi les forces armées de nombreux États africains.
Nous contribuons ainsi à la lutte contre le terrorisme
Une source diplomatique turque
Pragmatisme face aux régimes militaires ouest-africains
Autre atout pour la Turquie : son opposition aux sanctions contre les régimes militaires du Niger, du Burkina Faso et du Mali. Une position pragmatique saluée par ces pays en rupture avec les puissances occidentales. Comme l’illustre la demande du Sénégal de renforcer sa coopération militaire avec la Turquie face aux problèmes sécuritaires en Afrique de l’Ouest.
Un acteur économique de poids
Les entreprises turques de BTP consolident aussi l’influence de leur pays, en décrochant d’importants contrats d’infrastructures comme le développement du chemin de fer en Tanzanie (6,5 milliards de dollars). Les échanges commerciaux entre la Turquie et l’Afrique ont dépassé les 40 milliards de dollars en 2022, signe d’une relation économique florissante.
La stratégie multidimensionnelle de la Turquie en Afrique, mêlant médiation diplomatique, investissements, coopération militaire et positionnement politique, intrigue autant qu’elle inquiète. Si Ankara met en avant des partenariats « gagnant-gagnant », cette expansion turque soulève des interrogations sur ses visées à long terme et son impact géopolitique sur le continent.