C’est dans un climat de tensions que des délégations du gouvernement colombien et de la guérilla de l’Armée de Libération Nationale (ELN) doivent se retrouver ce vendredi à Caracas, la capitale vénézuélienne. L’objectif affiché est clair : tenter de « sortir de la crise » dans laquelle est plongé le processus de paix et rétablir un cessez-le-feu rompu il y a plusieurs mois.
Cette réunion intervient dans un contexte particulièrement tendu. En effet, en septembre dernier, le président colombien Gustavo Petro avait pris la décision de suspendre les pourparlers de paix engagés avec l’ELN. Un coup d’arrêt brutal, en réaction à une attaque sanglante menée par la guérilla contre une base militaire, qui avait coûté la vie à 3 soldats et fait 28 blessés dans les rangs de l’armée.
Rétablir la confiance et le dialogue
Malgré ce lourd passif, les deux parties semblent déterminées à renouer le fil du dialogue. Selon Vera Grabe, négociatrice en chef du gouvernement colombien, plusieurs points cruciaux seront abordés lors de cette réunion :
Nous aborderons des questions telles que la réactivation du cessez-le-feu avec le mécanisme de surveillance et de vérification, la participation et la dynamique humanitaire.
Vera Grabe, négociatrice en chef du gouvernement colombien
La représentante gouvernementale se veut toutefois prudente, consciente de l’ampleur de la tâche : « Il est possible que toutes les questions ne soient pas résolues, mais elles seront soulevées lors de nouvelles réunions », nuance-t-elle.
L’ELN pose ses conditions
Du côté de la guérilla, le ton est plus ferme. Si l’ELN a bien proposé la tenue de cette réunion « pour examiner la crise dans laquelle se trouve le processus », elle accuse dans le même temps le gouvernement de « violations » d’accords passés. Un prérequis est donc posé pour une reprise effective des négociations :
Tant que le gouvernement ne surmontera pas la situation actuelle de non-respect des accords, nous ne pourrons pas sortir du gel dans lequel il a lui-même conduit le processus.
Communiqué de l’ELN
Un premier pas vers la désescalade
Malgré ces positions tranchées, le gouvernement Petro semble prêt à jouer le jeu du dialogue. L’exécutif a en effet accepté de « reprendre les discussions » pour « déterminer jusqu’où l’ELN veut aller », précise Vera Grabe. Un premier pas encourageant, alors que la dernière rencontre entre les deux parties remontait au mois de mai à Caracas.
Sur le terrain, la situation reste cependant très tendue. Depuis début août, l’ELN a en effet intensifié son offensive, refusant de reprendre une trêve en vigueur depuis 2023. Les forces militaires colombiennes ont riposté en reprenant leurs opérations contre les rebelles. Une escalade inquiétante, sur fond de combats et d’attaques.
L’espoir d’une paix durable
Gustavo Petro, premier président de gauche de l’histoire colombienne, avait fait de la paix une priorité lors de son élection en 2022. Ancien membre lui-même d’une guérilla d’extrême gauche dans sa jeunesse, il s’était engagé à mettre fin, par le dialogue, à plus de six décennies de conflit armé en Colombie.
Des négociations ont ainsi été engagées avec la plupart des organisations armées encore actives dans le pays, dont l’ELN, dernière guérilla encore en activité. Un pari audacieux, alors que de nombreux présidents avant lui s’y étaient cassé les dents.
Cette réunion à Caracas représente donc un test crucial pour l’avenir du processus de paix en Colombie. Si un accord semble encore lointain au vu des positions des uns et des autres, cette main tendue pourrait marquer un premier pas vers une désescalade. Et raviver l’espoir, pour les Colombiens, d’une paix enfin durable après des décennies de violence.