Dans le milieu cinématographique français, une polémique enfle autour du prochain projet de Ladj Ly, réalisateur acclamé pour son film “Les Misérables”. Son ambition de porter à l’écran la vie du général Thomas-Alexandre Dumas, père de l’illustre écrivain Alexandre Dumas, suscite la réprobation de Claude Ribbe, biographe reconnu de cette figure historique.
Une rencontre qui tourne au clash
Lors d’une récente entrevue avec Ladj Ly, Claude Ribbe espérait échanger sur ce projet cinématographique ambitieux. Mais le dialogue a rapidement tourné court. Selon les confidences de l’écrivain à une source proche, le réalisateur chercherait avant tout une caution pour légitimer une “instrumentalisation politique et racialiste”.
Indigné, Ribbe a catégoriquement refusé d’être associé à ce qu’il perçoit comme une dérive identitaire. “Le réalisateur des Misérables n’est, de mon point de vue, soutenu que par celles et ceux qui veulent à tout prix associer l’image des noirs à l’immigration, à la délinquance, aux banlieues, à la révolte contre l’autorité”, a-t-il confié, amer.
Le général Dumas, un destin hors norme
Né en 1762 à Saint-Domingue (actuelle Haïti) d’un père aristocrate français et d’une mère esclave affranchie, Thomas-Alexandre Dumas connut une ascension fulgurante dans l’armée. Grâce à son talent militaire exceptionnel, il devint le premier officier général noir de l’histoire de France, sous la Révolution et l’Empire.
Ses exploits sur les champs de bataille, notamment lors des guerres révolutionnaires et en Égypte aux côtés de Bonaparte, lui valurent le surnom de “Diable Noir” ou d’“Horatius Coclès du Tyrol”. Mais sa brillante carrière fut brutalement interrompue lorsqu’il tomba en disgrâce auprès de Napoléon, dans des circonstances encore troubles.
Une figure historique récupérée ?
Pour Claude Ribbe, porter à l’écran la vie de ce héros méconnu est un défi de taille, qui requiert une extrême rigueur historique. Or, il redoute que Ladj Ly ne se serve de ce destin romanesque pour véhiculer un message politique tendancieux :
Faire du général Dumas un symbole de révolte des banlieues contre un prétendu “racisme d’État”, ou un porte-étendard communautariste, serait une falsification grossière de l’Histoire. Ce serait nier sa quête universaliste d’égalité et son attachement aux valeurs de la République.
– Claude Ribbe, biographe
Le biographe craint par ailleurs que ce projet ne réduise la complexité de l’identité de Thomas-Alexandre Dumas. Métis ayant grandi dans l’univers de l’aristocratie blanche, il serait réducteur d’en faire un étendard de la cause noire.
Le débat s’envenime
Face aux critiques de Claude Ribbe largement relayées dans la presse, Ladj Ly a préféré garder le silence. Mais son entourage dénonce une “polémique stérile” et une “tentative de censure”. Le réalisateur assure vouloir rester fidèle aux faits historiques, tout en proposant une lecture actuelle de ce destin d’exception.
Cette controverse ravive les tensions autour des questions identitaires et de la représentation des minorités dans le cinéma français. Faut-il y voir le signe d’une fracture grandissante au sein de la société ? Ou un débat salutaire sur les enjeux de mémoire et le rôle des artistes ? L’avenir du projet de Ladj Ly, en tout cas, s’annonce incertain.