Dans la bande de Gaza, un territoire déjà fragilisé par des années de blocus et de conflits, un nouveau défi sanitaire se profile : la résurgence de la poliomyélite. Après 25 ans sans cas détecté, le virus a refait surface en août dernier, poussant l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à lancer en urgence une vaste campagne de vaccination. Mais alors que la deuxième phase, cruciale pour renforcer l’immunité des enfants, battait son plein, les hostilités ont brutalement repris, entravant les efforts des humanitaires.
Des raids aériens intenses paralysent la vaccination dans le nord de Gaza
Tout avait pourtant bien commencé. La première série de vaccinations s’était déroulée comme prévu début septembre. Et le 14 octobre, la deuxième salve avait pu débuter à la faveur de trêves humanitaires. Mais dans le nord de l’enclave palestinienne, les équipes médicales ont dû jeter l’éponge. En cause : une recrudescence des bombardements israéliens, rendant toute intervention sur le terrain impossible.
L’OMS a indiqué la semaine dernière avoir été contrainte de reporter la phase finale dans le nord en raison de “bombardements intenses”, rendant les conditions sur le terrain “impossibles”.
Un coup dur pour les 119 000 enfants qui devaient recevoir leur deuxième dose dans cette zone. Car pour que la vaccination soit pleinement efficace, il est impératif que les deux injections soient réalisées dans un laps de temps donné. Faute de quoi, c’est toute la stratégie d’endiguement du virus qui pourrait être compromise.
Le spectre d’une propagation hors de contrôle
Les experts craignent qu’un retard prolongé n’offre au virus une fenêtre de propagation, alors que la polio, hautement contagieuse, se transmet facilement dans les zones surpeuplées et au système sanitaire défaillant comme Gaza. Un scénario catastrophe qui replongerait le territoire dans la spirale des épidémies d’antan.
D’autant que la bande de Gaza, soumise à un blocus israélien depuis 2007, peine déjà à faire face aux besoins vitaux de sa population. Système de santé à genoux, pénuries chroniques de médicaments et de matériel, malnutrition des enfants… Autant de failles dans lesquelles le virus pourrait s’engouffrer.
Enfants vaccinés | En attente 2e dose | Risque de flambée |
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452 000 (centre & sud) | 119 000 (nord) | Très élevé |
La communauté internationale monte au créneau
Face à cette situation préoccupante, la diplomatie s’active. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken est monté au créneau jeudi, exhortant Israël à permettre sans délai la reprise des vaccinations.
Il est urgent que cela se fasse dans les jours qui viennent, et nous nous tournons vers Israël pour faciliter cette action.
Antony Blinken, secrétaire d’État américain
Washington, qui avait déjà brandi la menace de suspendre une partie de son aide militaire à l’État hébreu, assure suivre le dossier de près. Mais malgré ces pressions, rien ne garantit qu’Israël, focalisé sur ses objectifs sécuritaires, infléchisse sa position.
Une course contre la montre pour les enfants de Gaza
En attendant, ce sont les familles palestiniennes qui se retrouvent prises en étau, condamnées à jouer leur survie dans un territoire transformé en poudrière. Et pour les milliers d’enfants privés du précieux vaccin, chaque jour qui passe est un jour de trop, qui les rapproche un peu plus d’une maladie invalidante voire mortelle.
Une urgence sanitaire qui se télescope à une crise politico-militaire inextricable, et qui plombe un peu plus le quotidien des Gazaouis. Dans ce petit territoire surpeuplé, ravagé par des années d’affrontements, la santé des habitants est plus que jamais l’otage des mortiers et des missiles.
Alors, dans les cliniques bondées comme dans les foyers inquiets, une question résonne en boucle : les belligérants finiront-ils par entendre raison et par déposer les armes, ne serait-ce que le temps d’une piqûre salvatrice ? C’est tout l’espoir des Palestiniens de Gaza. Un espoir fragile, qui vacille chaque jour un peu plus dans le vacarme des explosions.