Le Mozambique traverse une période de turbulences alors que des manifestations secouent plusieurs villes du pays suite aux récentes élections présidentielles dont les résultats sont vivement contestés par l’opposition. Malgré le blocage des réseaux sociaux par les autorités et la menace d’une répression, des centaines de manifestants sont descendus dans les rues, dénonçant un scrutin entaché selon eux de multiples irrégularités.
Des affrontements éclatent entre police et manifestants
Selon des témoins contactés par l’AFP, des heurts ont opposé les forces de l’ordre aux protestataires dans plusieurs localités du pays. A Maputo la capitale et dans sa banlieue Matola, mais aussi dans les villes de Lichinga au nord, Pebane et Tete au centre, les rassemblements pacifiques ont dégénéré en affrontements. La police a eu recours à des tirs à balles réelles, des gaz lacrymogènes et procédé à des arrestations dénoncées comme “arbitraires” par Amnesty International.
L’opposition appelle à la grève générale
Venancio Mondlane, le candidat malheureux arrivé second au scrutin présidentiel avec 20% des voix, a lancé un appel à une grève nationale devant durer jusqu’au 7 novembre. Ancien animateur de radio âgé de 50 ans, il a quitté récemment la Renamo, parti d’opposition historique, pour mener sa propre campagne, adossé au petit parti Podemos.
Nous allons paralyser le pays du nord au sud! Nous nous battrons pour obtenir justice.
a-t-il déclaré à la presse, tout en assurant qu’il ferait “tout son possible pour qu’il n’y ait pas de violence”.
La commission électorale a proclamé la semaine dernière la victoire de Daniel Chapo, 47 ans, candidat du Frelimo, parti au pouvoir depuis 49 ans, avec près de 71% des suffrages. Un résultat aussitôt contesté par l’opposition qui a saisi dimanche dernier le Conseil constitutionnel.
Réseaux sociaux coupés, liberté d’expression menacée
Jeudi matin, les Mozambicains ont eu la désagréable surprise de constater que l’accès à WhatsApp, Facebook et Instagram était bloqué dans le pays. Ces plateformes avaient été largement utilisées par Venancio Mondlane pour mobiliser ses partisans et appeler à manifester contre les résultats.
Selon le service de surveillance Netblocks, “nous pouvons confirmer que des restrictions sur les réseaux sociaux ont été imposées”. Ce n’est pas la première fois que les autorités mozambicaines censurent Internet: vendredi dernier, au lendemain de l’annonce des résultats officiels, le pays avait déjà connu une interruption générale de l’internet mobile.
Pour Amnesty International, “les autorités doivent immédiatement mettre fin à l’escalade des attaques contre la liberté d’expression et le droit de réunion”. L’ONG a dénoncé l’usage excessif de la force par la police face aux manifestants. De son côté, le procureur général a prévenu que toute personne commettant des dégradations ou violences serait sévèrement punie.
Un scrutin entaché de fraudes massives selon les observateurs
Au cœur de la contestation: la régularité du processus électoral. Si la commission électorale a validé la large victoire du président Filipe Nyusi et de son parti le Frelimo, les observateurs internationaux ont relevé de nombreuses anomalies.
La mission de l’Union européenne a notamment constaté des “altérations injustifiées de résultats” avec des écarts inexpliqués entre les procès-verbaux des bureaux de vote et les chiffres reportés dans un tiers des dépouillements observés. “Il s’agit des élections les plus frauduleuses depuis 1999”, a estimé l’ONG anticorruption CIP (Public Integrity Center).
Face à l’ampleur des irrégularités, le Conseil constitutionnel a réclamé mercredi à la commission électorale de lui transmettre l’ensemble des résultats bureau par bureau pour six des onze provinces du pays ainsi que de la capitale Maputo.
La situation reste très tendue au Mozambique alors que le bras de fer se poursuit entre l’opposition qui dénonce un scrutin truqué et un pouvoir déterminé à réprimer toute contestation. Les manifestations et le blocage des réseaux sociaux témoignent de la profonde crise de confiance qui mine la démocratie mozambicaine, 27 ans après la fin de la guerre civile. L’enjeu des prochains jours sera de faire prévaloir la voix des urnes tout en évitant une dangereuse escalade de la violence.