Alors que le Bélarus fait l’objet de lourdes sanctions européennes en raison de sa politique répressive et de son soutien à la Russie dans le conflit ukrainien, le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto a effectué une nouvelle visite à Minsk ce jeudi. Lors d’un forum sur la sécurité en présence du président biélorusse Alexandre Loukachenko, le chef de la diplomatie magyare a vivement critiqué les sanctions imposées par l’Union européenne au Bélarus.
D’après des sources proches du dossier, il s’agit déjà de la troisième visite de M. Szijjarto au Bélarus depuis le début de l’invasion russe en Ukraine en février 2022, et de la deuxième cette année. Une fréquence qui témoigne des bonnes relations qu’entretiennent Budapest et Minsk, alors même que le régime biélorusse est de plus en plus isolé sur la scène internationale. Le ministre hongrois est d’ailleurs le seul haut responsable d’un pays membre de l’UE à s’être rendu au Bélarus depuis le début de la répression des opposants en 2020.
La Hongrie maintient ses liens avec les pays sanctionnés
Prenant la parole en russe lors du forum, Peter Szijjarto a déclaré que c’était “un grand honneur” pour lui d’être à nouveau dans la capitale biélorusse. “Espérons ensemble que nous ne serons pas critiqués à Bruxelles pour cette discussion”, a-t-il lancé, en référence aux instances européennes. Le ministre hongrois a ensuite dénoncé ce qu’il considère comme une volonté occidentale de “créer une grande hégémonie des opinions” :
Nous n’acceptons aucune restriction contre ceux avec lesquels nous coopérons. Nous n’aimons pas les politiques de sanctions
Une position qui tranche avec celle défendue par la majorité des pays européens. Depuis la contestation de la réélection du président Loukachenko en 2020, jugée frauduleuse par l’opposition et la communauté internationale, le Bélarus a en effet subi une sévère répression :
- Arrestations massives d’opposants
- Accusations de torture
- Centaines de peines de prison
Pour se maintenir au pouvoir malgré ce contexte, Alexandre Loukachenko s’est considérablement rapproché de la Russie de Vladimir Poutine, allant jusqu’à permettre aux forces russes d’utiliser le territoire biélorusse comme base arrière pour attaquer l’Ukraine en février 2022. Un soutien qui a valu à Minsk de nouvelles sanctions occidentales, auxquelles la Hongrie s’oppose donc ouvertement.
Budapest affiche son soutien aux régimes contestés
La visite de Peter Szijjarto à Minsk intervient seulement deux jours après un déplacement du Premier ministre hongrois Viktor Orban en Géorgie. Là-bas, le dirigeant nationaliste est allé afficher son appui au parti au pouvoir, accusé de dérive autoritaire prorusse après sa victoire controversée aux législatives. Autant de signaux qui confirment la position singulière de la Hongrie au sein de l’UE vis-à-vis de la Russie et de ses alliés.
Alors que les Vingt-Sept ont adopté pas moins de dix paquets de sanctions contre Moscou et ses soutiens depuis le début de la guerre en Ukraine, Budapest n’a eu de cesse de critiquer ces mesures et de plaider pour le dialogue avec le Kremlin. Une ligne dénoncée par de nombreux partenaires européens, qui y voient un facteur de division susceptible d’affaiblir la réponse du bloc communautaire à l’agression russe.
L’opposition hongroise dénonce une “diplomatie de la honte”
En Hongrie même, l’opposition a vivement réagi à cette nouvelle visite de Peter Szijjarto à Minsk, y voyant une preuve supplémentaire de la connivence du gouvernement Orban avec des régimes autoritaires. Selon des sources de l’opposition, certains responsables ont même qualifié cette démarche de “diplomatie de la honte”, accusant le pouvoir de salir l’image du pays.
Mais pour l’heure, Viktor Orban, réélu confortablement en avril 2022, semble décidé à maintenir le cap d’une politique étrangère s’affranchissant des positions de Bruxelles dès lors qu’il s’agit de la Russie et de ses partenaires comme le Bélarus. Reste à savoir si cette posture de plus en plus décomplexée ne finira pas par créer de sérieuses tensions avec les autres pays de l’UE, alors que le conflit en Ukraine ne montre aucun signe d’apaisement et que la cohésion européenne apparaît plus que jamais comme un enjeu crucial.