Le Mozambique traverse une période de fortes tensions depuis la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 9 octobre. Alors que l’opposition dénonce un scrutin “volé” et appelle à une grève nationale, le gouvernement a choisi de couper l’accès aux principaux réseaux sociaux dans le pays. Une situation explosive qui fait craindre de nouveaux affrontements.
Une capitale paralysée, des réseaux sociaux bloqués
Ce jeudi, les rues de Maputo, la capitale mozambicaine d’ordinaire grouillante de monde, étaient quasiment désertes. De nombreux commerces sont restés portes closes, alors que l’opposition a lancé un appel à la grève générale pour contester les résultats de la présidentielle. En parallèle, les autorités ont décidé de couper l’accès aux principaux réseaux sociaux comme WhatsApp, Facebook et Instagram.
Ces plateformes étaient en effet massivement utilisées par Venancio Mondlane, le chef de l’opposition, pour mobiliser ses troupes et appeler à manifester. D’après le service de surveillance d’internet Netblocks, basé à Londres, des “restrictions” ont bel et bien été imposées par le gouvernement mozambicain sur ces réseaux.
Une panne d’internet généralisée la semaine dernière
Ce n’est pas la première fois que le Mozambique est confronté à ce genre de coupures. Vendredi dernier, au lendemain de l’annonce des résultats, le pays avait déjà connu une panne d’internet généralisée pendant plusieurs heures, sur l’ensemble des opérateurs mobiles. Une manière pour le gouvernement de tenter de contenir la vague de contestation qui déferle dans le pays.
Une élection présidentielle controversée
Pour rappel, la commission électorale a déclaré la semaine dernière Daniel Chapo, candidat du parti au pouvoir (le Frelimo), vainqueur de l’élection avec près de 71% des voix. Son principal opposant, Venancio Mondlane, n’aurait recueilli que 20% des suffrages. Des résultats immédiatement contestés par l’opposition, qui dénonce des fraudes massives et réclame un nouveau décompte des voix.
Je ferai tout mon possible pour qu’il n’y ait pas de violence mais nous devons nous battre pour la justice
a déclaré à la presse Albino Forquilha, président du parti d’opposition Podemos.
De graves irrégularités relevées par les observateurs
Il faut dire que de nombreux observateurs ont fait état d’irrégularités graves avant, pendant et après le scrutin :
- L’Église catholique a déploré des fraudes “grossières”
- Le nombre d’inscrits sur les listes électorales était supérieur de 4% au nombre d’adultes en âge de voter dans le pays, selon la mission de l’UE
- Les missions d’observation de l’UE ont relevé des “altérations injustifiées de résultats” dans un tiers des dépouillements observés
- L’ONG anticorruption CIP a estimé qu’il s’agissait des élections “les plus frauduleuses depuis 1999”
Déjà des morts lors de manifestations
Suite à l’annonce des résultats, des affrontements ont éclaté entre forces de l’ordre et manifestants dans plusieurs villes du pays la semaine dernière. Le bilan est lourd : au moins 11 morts, dont 6 dans la province de Nampula, et plusieurs dizaines de blessés. Face à cette situation explosive, le gouvernement mozambicain a prévenu qu’il réprimerait dans le sang toute manifestation violente.
Mais l’opposition ne compte pas en rester là. Un recours a été déposé devant le Conseil constitutionnel pour exiger un nouveau comptage des voix. Cette plus haute cour du pays a d’ailleurs demandé mercredi à la commission électorale de lui transmettre l’intégralité des résultats, bureau de vote par bureau de vote, pour six des onze provinces ainsi que la capitale.
Un pays pauvre miné par les violences
Le Mozambique, ancienne colonie portugaise, est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Il a été ravagé par une guerre civile meurtrière entre 1977 et 1992. Depuis, le Frelimo est au pouvoir sans partage mais le pays reste miné par les violences politiques, sur fond de grande précarité économique et sociale. Cette nouvelle crise post-électorale vient raviver les tensions et les fractures de la société mozambicaine.
Jusqu’où ira cette confrontation entre pouvoir et opposition ? Le Mozambique parviendra-t-il à retrouver le chemin de la paix et de la stabilité ? Pour l’instant, malgré les appels au calme de la communauté internationale, le pays semble s’enfoncer chaque jour un peu plus dans une spirale de violence. Et le blocage des réseaux sociaux, loin d’apaiser la situation, pourrait au contraire attiser la colère de la rue.