Un duel électoral crucial se profile en Moldavie, où les électeurs choisiront dimanche entre deux visions radicalement différentes pour l’avenir du pays. La présidente sortante pro-européenne Maia Sandu affrontera l’ancien procureur général Alexandr Stoianoglo, considéré par beaucoup comme l’homme de Moscou. L’issue de ce scrutin pourrait redéfinir l’orientation géopolitique de cette ex-république soviétique, tiraillée entre ses aspirations européennes et l’influence russe.
Stoianoglo, l’énigmatique challenger
Arrivé loin derrière Sandu au premier tour avec 26% des voix contre 42,5% pour la cheffe d’État, Alexandr Stoianoglo n’en reste pas moins un adversaire redoutable. Cet homme de 57 ans au profil insaisissable a fait mieux que prévu et peut compter sur le ralliement de plusieurs petits candidats. Soutenu par les socialistes prorusses, il se garde bien de se livrer en public, affichant une allure sévère et un ton policé.
Né dans la région autonome prorusse de Gagaouzie, Stoianoglo incarne la complexité identitaire moldave, entre influences slaves, roumaines et ottomanes. Plus à l’aise en russe qu’en roumain, la langue officielle, il navigue entre les deux univers. Un profil qui suscite la méfiance de ses détracteurs :
Selon Maia Sandu, il est “l’homme de Moscou”, “un cheval de Troie à travers lequel d’autres veulent régenter le pays”.
Un passé controversé
Ancien procureur général, Stoianoglo a été suspendu puis limogé par Sandu qui l’accuse de passivité face à la corruption. Inculpé dans plusieurs affaires, on lui reproche notamment sa proximité avec l’oligarque Veaceslav Platon, figure centrale d’un vaste scandale financier. Des accusations qu’il réfute, se posant en victime d’une cabale politique.
Un positionnement ambigu face à l’UE
Si Stoianoglo clame son attachement à l’Europe où ses filles ont étudié, son discours pro-UE sonne creux pour de nombreux observateurs. Beaucoup y voient une posture de façade pour séduire un électorat europhile déçu par Sandu. En cas de victoire, certains redoutent un scénario à la géorgienne : un gel des discussions avec Bruxelles sans renoncement officiel.
Sandu, la défenseuse de l’ancrage européen
Face à cet challenger aux accents prorusses, Maia Sandu incarne le choix résolu de l’intégration européenne. Première femme élue présidente en 2020, cette économiste de 50 ans a fait de la lutte anti-corruption et du rapprochement avec l’UE ses priorités. Un cap qui lui vaut le soutien des jeunes et des milieux urbains, avides de changement, mais aussi l’hostilité de la Russie et de ses relais.
Ce duel Sandu-Stoianoglo cristallise les lignes de fracture qui traversent la société moldave. D’un côté, une volonté de tourner la page de l’ère soviétique et de construire un avenir européen. De l’autre, la tentation d’un statu quo sous influence russe. Un choix lourd de conséquences pour ce petit pays coincé entre Est et Ouest, dont le destin pourrait se jouer dimanche.