En Géorgie, les élections législatives du mois dernier continuent de faire des vagues. Jeudi, la commission électorale a confirmé la large victoire du parti au pouvoir, le Rêve géorgien, avec 53,9% des voix contre 37,7% pour la coalition d’opposition pro-européenne. Un résultat contesté par cette dernière qui dénonce un scrutin “volé” et une dérive autoritaire prorusse du gouvernement.
Selon une source proche de l’opposition, un système “sophistiqué” de fraudes électorales aurait été mis en place, suivant une “méthodologie russe”. Des dizaines de milliers de Géorgiens sont descendus dans les rues de Tbilissi lundi, drapeaux européens et géorgiens au vent, pour protester contre ce qu’ils considèrent comme une élection truquée.
Un pays tiraillé entre Europe et Russie
Cette crise post-électorale met en lumière les tiraillements de la Géorgie, ex-république soviétique du Caucase coincée entre ses aspirations européennes et l’influence de son puissant voisin russe. L’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN figure dans la constitution du pays, mais certains dirigeants du parti au pouvoir multiplient les déclarations hostiles envers l’Occident.
Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé assure pourtant que “l’intégration européenne” reste la “principale priorité” de son gouvernement. Il a appelé à une reprise des discussions avec Bruxelles, gelées après l’adoption d’une loi controversée “sur l’influence étrangère” inspirée d’une législation russe.
L’ombre de Moscou
En toile de fond, le spectre de l’ingérence russe plane sur le processus électoral géorgien. Une accusation rejetée par le Kremlin. Mais pour beaucoup d’observateurs, le Rêve géorgien s’est engagé dans une dérive autoritaire prorusse préoccupante. Pendant la campagne, le parti s’est présenté comme le seul rempart pour éviter à la Géorgie de subir le même sort que l’Ukraine.
Un argument qui résonne douloureusement dans ce pays profondément marqué par la guerre éclair de 2008 contre la Russie. À l’issue de ce conflit, Moscou a reconnu l’indépendance de deux régions séparatistes géorgiennes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, où ses troupes sont toujours stationnées.
Enquêtes sur des fraudes présumées
Face aux accusations de l’opposition, le parquet géorgien a ouvert des enquêtes sur de possibles falsifications du scrutin. 47 dossiers judiciaires ont été ouverts et deux personnes interpellées pour bourrage présumé d’urnes dans un bureau de vote de province. Mais pour la formation d’opposition Géorgie forte, ce ne sont que des gesticulations d’un “bureau du procureur contrôlé par la Russie”.
Washington et Bruxelles, qui se sont inquiétées “d’irrégularités”, ont appelé à des investigations approfondies et transparentes. Dans son rapport annuel sur l’élargissement publié mercredi, la Commission européenne a prévenu qu’elle ne serait “pas en mesure de recommander l’ouverture de négociations d’adhésion” sans un changement de cap de la Géorgie.
Une présidente en rupture avec le pouvoir
Dans ce contexte tendu, la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili joue les trouble-fêtes. Après avoir initialement annoncé la victoire de l’opposition sur la foi de sondages sortie des urnes, elle a refusé de reconnaître celle du Rêve géorgien, dénonçant des fraudes massives. Convoquée par le parquet pour s’expliquer, elle a annoncé qu’elle n’avait “aucune intention” de s’y rendre.
Une posture qui renforce les doutes sur la transparence et la régularité du processus électoral en Géorgie. L’Union européenne et les États-Unis, qui ont sanctionné des responsables géorgiens au printemps pour la “répression brutale” de manifestations antigouvernementales, suivent de près l’évolution de la situation. La stabilité et l’orientation géostratégique de ce petit pays du Caucase sont en jeu.