Quatre-vingts ans se sont écoulés depuis la fin de la terrible occupation de la Grèce par l’Allemagne nazie, mais les cicatrices de cette sombre période de l’Histoire restent vives. Ce jeudi, le président allemand Frank-Walter Steinmeier effectue une visite lourde de sens à Kandanos, un village crétois entièrement rasé par les troupes hitlériennes en 1941. L’objectif : rappeler la « responsabilité politique et morale » de l’Allemagne face aux atrocités commises.
Un devoir de mémoire nécessaire
Avant ce déplacement hautement symbolique, Frank-Walter Steinmeier a tenu à souligner « les atrocités perpétrées par les Allemands en Grèce », tout en réaffirmant que du point de vue de Berlin, la question épineuse des réparations de guerre était définitivement close. Pourtant, selon le chef d’État allemand, la brutalité déchaînée des nazis reste « un sujet difficile qui joue un rôle dans nos relations actuelles et que nous ne devons pas éluder ».
Nous devons garder vivant ce chapitre terrible et douloureux de notre histoire.
Frank-Walter Steinmeier, dans le quotidien grec Ta Nea
Pour le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, cette visite constitue « un geste très important » de reconnaissance « des atrocités perpétrées par les nazis ». Un pas significatif, mais qui ne règle pas tout.
L’une des occupations les plus sanglantes d’Europe
Bien que peu connue en dehors des frontières grecques, l’occupation nazie du pays (1941-1944) fut d’une violence inouïe, comptant parmi les plus meurtrières du continent européen.
Dans aucun autre pays non slave, les SS et la Wehrmacht n’ont sévi aussi brutalement qu’en Grèce.
L’historien Hagen Fleischer
Durant ces années noires, la Grèce fut saignée à blanc, sa population réduite à la famine. Face à la farouche résistance grecque, les nazis pillèrent, incendièrent, massacrèrent sans pitié.
- Près de 54 000 juifs grecs, vivant majoritairement à Thessalonique, furent déportés à Auschwitz
- 90% de la communauté juive grecque fut exterminée
- Le IIIe Reich imposa un prêt forcé à la banque centrale grecque, jamais remboursé
Kandanos, symbole des atrocités nazies
Le village de Kandanos, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de La Canée en Crète, fut entièrement détruit le 3 juin 1941 par les troupes allemandes. Cet acte de représailles faisait suite à la participation des villageois à la bataille de Crète en mai 1941, visant à empêcher l’invasion de l’île par les nazis. Quelque 180 habitants furent tués par les soldats allemands.
La destruction de Kandanos fut un crime de guerre, pour lequel le commandant responsable Kurt Student ne fut jamais condamné par la justice.
Frank-Walter Steinmeier
La question des réparations, un sujet toujours sensible
Si le président allemand a coupé court au débat sur les réparations de guerre, affirmant que « la question était close pour l’Allemagne au regard du droit international », Athènes ne partage pas cette position. Pour le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, « ces questions sont encore très vivantes » et il espère qu’« à un moment donné, nous les résoudrons ».
Ce contentieux avait refait surface avec acuité lors de la crise financière qui a frappé la Grèce entre 2008 et 2018. Une commission parlementaire grecque avait alors évalué ces réparations à plus de 270 milliards d’euros. Mais pour Berlin, la question a été définitivement réglée en 1990 avant la Réunification.
Un chemin vers la réconciliation
En 2014, le prédécesseur de Frank-Walter Steinmeier, Joachim Gauck, avait fait un pas important en demandant pardon à la Grèce, témoignant de sa « honte et de sa souffrance » face aux crimes nazis. Un geste fort, mais il aura fallu attendre 70 ans après la fin de la guerre pour qu’un chef d’État allemand franchisse ce pas.
La visite de Frank-Walter Steinmeier à Kandanos s’inscrit dans cette démarche de reconnaissance et de mémoire. Un chemin semé d’embûches, mais nécessaire pour panser les plaies du passé et construire une relation apaisée entre l’Allemagne et la Grèce. Car sans ce travail de vérité et de justice, l’ombre de l’Histoire continuera de planer sur les deux pays.