ActualitésInternational

Le Maroc rapatrie les mineurs isolés depuis la France

Le Maroc s'apprête à rapatrier les mineurs isolés depuis la France sur instructions du roi Mohammed VI. Des centres sont prêts pour les accueillir, dans le cadre d'une coopération renforcée entre les deux pays sur les questions migratoires. Mais de nombreuses questions restent en suspens sur les modalités concrètes de ces retours et l'avenir de ces jeunes une fois de retour au pays...

Un tournant majeur semble s’amorcer dans la gestion des mineurs isolés marocains présents en France. Selon des sources proches du dossier, le roi Mohammed VI aurait récemment donné des instructions fermes pour organiser le rapatriement de ces jeunes, dont le nombre est estimé à plusieurs milliers sur le territoire français.

Cette annonce intervient à l’issue d’une rencontre entre les ministres de l’Intérieur français et marocain, Bruno Retailleau et Abdelouafi Laftit, visant à renforcer la coopération sécuritaire et migratoire entre les deux pays. Le Maroc s’engagerait ainsi à reprendre ses ressortissants mineurs en situation irrégulière, un sujet sensible qui empoisonne les relations franco-marocaines depuis plusieurs années.

Une logistique d’accueil opérationnelle

D’après le ministre marocain, le royaume chérifien serait d’ores et déjà prêt à assurer un retour encadré de ces jeunes. Des centres de protection et de formation auraient été spécialement aménagés pour les accueillir et favoriser leur réinsertion. Une équipe pluridisciplinaire marocaine s’était d’ailleurs rendue en France dès 2018 pour évaluer la situation et identifier les mineurs concernés.

En décembre 2020, un schéma de procédure pour le « retour concerté des mineurs non accompagnés » avait déjà été signé entre les ministères de la Justice des deux pays. Mais sa mise en œuvre concrète tardait à se matérialiser, suscitant l’impatience côté français. L’engagement personnel du souverain marocain viserait donc à accélérer le processus.

Vers un « partenariat d’exception renforcé » sur les migrations ?

Cette avancée s’inscrit dans le sillage de la déclaration conjointe signée en mai dernier entre Mohammed VI et Emmanuel Macron, appelant à un « partenariat d’exception renforcé » entre la France et le Maroc. Un volet conséquent de cet accord-cadre porte justement sur une coopération migratoire plus étroite, alliant facilitation des mobilités légales, lutte contre l’immigration irrégulière, politique de réadmission et prévention des départs.

Le rapatriement des mineurs isolés constituerait ainsi un premier test grandeur nature de cette nouvelle entente migratoire. Un enjeu d’autant plus crucial que le Maroc est devenu ces dernières années un important pays d’origine mais aussi de transit des flux migratoires à destination de l’Europe.

Des questions en suspens sur les modalités des retours

Si la volonté politique semble cette fois manifeste des deux côtés de la Méditerranée, de nombreuses interrogations subsistent quant aux conditions pratiques de ces rapatriements. Quels critères d’identification des mineurs concernés ? Quel dispositif d’accompagnement psycho-social avant, pendant et après le transfert ? Quelles garanties sur le caractère réellement volontaire des retours et le respect des droits fondamentaux des jeunes ?

Des associations de défense des droits de l’enfant, de part et d’autre, ont d’ores et déjà fait part de leurs préoccupations et comptent rester vigilantes sur ces questions. Elles pointent notamment les risques de rupture dans le parcours éducatif et d’intégration des jeunes, beaucoup étant désormais ancrés en France. Leur réinsertion socio-professionnelle une fois de retour au Maroc apparaît également incertaine.

Un dossier révélateur des défis de la coopération migratoire

Au-delà du cas spécifique des mineurs isolés, ce dossier illustre toute la complexité d’une gestion concertée des flux migratoires entre pays d’origine, de transit et de destination. Il met en lumière les subtils jeux d’équilibre et de négociation entre enjeux sécuritaires, impératifs humanitaires, intérêts diplomatiques et opinions publiques.

La crispation du débat public sur l’immigration, des deux côtés de la Méditerranée, pèse aussi lourdement sur ces tractations en coulisses. Chaque gouvernement doit composer avec une frange de son opinion réticente à toute concession en la matière, limitant les marges de manœuvre.

Le fragile équilibre trouvé sur ce dossier des mineurs isolés sera donc scruté avec attention. Il pourrait faire office de test pour la solidité de la coopération migratoire franco-marocaine, et plus largement pour la capacité de l’Europe et de ses voisins du Sud à gérer ensemble les défis des migrations internationales. Un pari encore loin d’être gagné, mais dont dépend en grande partie l’avenir des relations euroméditerranéennes.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.