30 ans après l’horreur, la traque des responsables du génocide des Tutsi au Rwanda continue. Mercredi, un ancien médecin rwandais, Eugène Rwamucyo, a été condamné par la cour d’assises de Paris à 27 ans de réclusion criminelle pour sa complicité dans ce génocide qui a fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994.
Un verdict historique pour les crimes de 1994
Au terme de près de cinq semaines d’un procès éprouvant, Eugène Rwamucyo, 65 ans, a été reconnu coupable de complicité de génocide et de participation à une entente en vue de préparer ce crime innommable. Il a également été condamné pour complicité de crimes contre l’humanité. Un verdict capital selon le ministre rwandais des Affaires étrangères :
C’est capital que les génocidaires en fuite réalisent que même 30 ans après le génocide des Tutsi, la justice a le pouvoir de les rattraper.
Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères
L’ex-médecin a cependant été acquitté des accusations de génocide et de crimes contre l’humanité. Son avocat, Me Philippe Meilhac, a annoncé son intention de faire appel, estimant que le procès n’avait “pas été digne” de son caractère historique.
L’ambition et la fascination pour le pouvoir
Pendant le procès, les magistrats ont décrit le mobile de l’accusé comme étant “son ambition et sa fascination pour le pouvoir politique”. Eugène Rwamucyo était accusé d’avoir relayé les mots d’ordre des autorités hutu appelant à s’en prendre aux Tutsi, notamment lors d’un discours le 14 mai 1994 en présence du Premier ministre du gouvernement intérimaire de l’époque.
Il lui était aussi reproché d’avoir participé à l’enfouissement de victimes dans des fosses communes “dans un ultime effort pour supprimer les preuves de génocide”. L’accusé a nié, affirmant avoir enterré les corps pour éviter une crise sanitaire. Mais pour les parties civiles, “en enfouissant les corps, il a permis au génocide de se poursuivre”.
L’arrestation 16 ans après les faits
Eugène Rwamucyo travaillait comme médecin dans un hôpital du nord de la France quand il a été arrêté en 2010, 16 ans après les faits. Ses collègues l’avaient signalé après qu’un mandat d’arrêt international ait été émis par le Rwanda à son encontre.
Il s’agit de la huitième condamnation d’un Rwandais en France en lien avec le génocide. Le 20 décembre dernier, un autre médecin, Sosthène Munyemana, a écopé de 24 ans de réclusion criminelle. Il a fait appel.
Un devoir de mémoire toujours nécessaire
Plus d’un quart de siècle après l’extermination des Tutsi du Rwanda, qui a fait selon l’ONU plus de 800 000 morts en à peine trois mois, la traque des génocidaires se poursuit. Bien que tardives, ces condamnations ont valeur de symbole pour les rescapés et participent au devoir de mémoire.
Chaque procès ravive la douleur mais permet aussi d’établir la vérité judiciaire et historique. Car le génocide des Tutsi reste un traumatisme profond pour le Rwanda et l’humanité toute entière. Un crime imprescriptible qui ne doit jamais être oublié pour que plus jamais cela ne se reproduise.