C’est un revers cinglant et inattendu pour le gouvernement. Mercredi 30 octobre, en plein examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, les députés ont rejeté un article crucial, pourtant défendu par l’exécutif. Une alliance surprise entre les élus macronistes, ceux de droite et même du Rassemblement national a permis de faire tomber cette mesure visant à réformer les cotisations patronales, et censée rapporter 4 milliards d’euros.
Un hémicycle à front renversé
La scène, pour le moins inhabituelle, s’est déroulée en fin d’après-midi. Alors que les débats sur l’article 6 du PLFSS battaient leur plein, le vent a soudainement tourné. Malgré les appels du pied du ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, proposant “d’ouvrir la discussion” sur le montant des économies prévues, les députés de la majorité, emmenés par un Gérald Darmanin très remonté, ont maintenu leur opposition ferme au texte.
Ce ne sont pas des économies, c’est une augmentation du coût du travail !
Gérald Darmanin, député EPR du Nord
Quelques minutes et 170 voix “contre” plus tard, l’article était rejeté, sous les applaudissements d’une partie de l’hémicycle. Un coup dur pour le gouvernement, qui se retrouve en difficulté sur l’un des textes budgétaires les plus importants de l’année.
Une mesure clivante sur les exonérations patronales
Au cœur de ce psychodrame parlementaire, la volonté du gouvernement de revoir le barème des allègements de cotisations sociales pour les entreprises. Un système qui a vu son coût doubler en une décennie, pour atteindre près de 80 milliards d’euros par an. Trop aux yeux de l’exécutif, qui souhaitait en limiter la portée et mieux les cibler.
Mais en s’attaquant à un totem du patronat, le gouvernement a heurté une partie de sa majorité, prompte à dénoncer un “mauvais signal” envoyé aux entreprises en pleine crise économique. Même son de cloche à droite, Laurent Wauquiez en tête, pour qui ces allègements “bénéficient à l’emploi”. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, pourtant présent, n’a pas réussi à convaincre ses troupes.
Bras de fer en perspective avec le Sénat
Dos au mur, le gouvernement n’entend pas baisser les bras pour autant. Dès le vote accté, les ministres concernés ont fait savoir qu’ils étaient “prêts à des ouvertures” lors de la navette parlementaire, notamment devant le Sénat qui examinera le texte à partir de mi-novembre.
L’objectif : trouver un nouvel équilibre, potentiellement via d’autres sources d’économies, afin de ne pas renchérir le coût du travail, comme promis initialement. Les tractations en coulisses ont déjà débuté, alors que l’exécutif doit aussi composer avec un déficit record de la Sécurité sociale, qu’il peine à résorber.
L’opposition jubile, la majorité fébrile
Dans les rangs de la Nupes, c’est peu dire que le rejet de cet article a été savouré. “Le gouvernement Barnier est isolé sur ce sujet”, s’est réjoui le socialiste Jérôme Guedj, quand l’insoumis Hadrien Clouet dénonçait un “cadeau au patronat” et les “fondés de pouvoir du Medef” chez ses adversaires.
Mais c’est surtout au sein de la majorité que ce revers fait tanguer les lignes. Alors que plusieurs dossiers brûlants arrivent sur la table, comme la réforme des retraites ou celle de l’assurance-chômage, la cohésion des troupes macronistes est plus que jamais mise à l’épreuve. Et le moindre faux pas sera scruté, et sans doute exploité, par une opposition qui a flairé la faille.
Cette séquence houleuse à l’Assemblée n’est sans doute qu’un avant-goût des turbulences à venir pour le gouvernement, à sept mois des élections européennes. Les prochaines semaines s’annoncent agitées dans l’hémicycle, et les arbitrages de l’exécutif seront décisifs pour ne pas voir sa majorité se déliter davantage. Un vrai test pour le tandem Barnier-Borne, déjà sous pression.