Dans le paisible hameau de Plouy Saint-Lucien, aux abords de Beauvais dans l’Oise, les habitants vivent un véritable cauchemar éveillé. Imaginez, vous êtes tranquillement chez vous quand soudain, un vacarme assourdissant se fait entendre. Vous levez les yeux au ciel et apercevez un avion, volant à si basse altitude que vous pourriez presque le toucher. Et là, c’est le drame : des tuiles se détachent de votre toiture et viennent s’écraser au sol. Un scénario qui se répète inlassablement, jour après jour, au grand dam des riverains.
Un ballet aérien incessant
Le coupable tout désigné ? L’aéroport de Beauvais-Tillé, situé à proximité. Selon les habitants, les avions passeraient bien trop près des habitations, à des altitudes dangereusement basses. “Il devrait être plus loin par là”, s’insurge Jamy Gosse, un riverain excédé, en désignant la trajectoire d’un énième appareil. Et les chiffres sont là pour étayer ses dires : ce sont pas moins de 60 à 70 avions qui survolent le quartier chaque jour, à des altitudes parfois inférieures à 100 mètres. Des passages si bas qu’ils génèrent des turbulences capables d’arracher les tuiles des toits.
Jeudi, j’ai commencé à prendre des hauteurs d’avions à 63 mètres. Quand ça vous arrive, c’est comme un coup de canon.
Jamy Gosse, habitant de Plouy Saint-Lucien
Des dégâts à répétition
Pour Jamy Gosse, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. En 13 ans, il a dû faire réparer sa toiture à quatre reprises. Excédé, il a décidé de porter l’affaire devant les tribunaux et a entamé un procès contre l’aéroport. Mais il est loin d’être le seul dans ce cas. Ces derniers jours, plusieurs de ses voisins ont vu leurs tuiles s’envoler au passage des avions, causant des dégâts conséquents.
Des procédures aériennes strictes mais des exceptions
Pourtant, comme tous les aéroports français, celui de Beauvais-Tillé est soumis à des procédures très strictes édictées par la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC). Des altitudes minimales sont imposées aux avions en fonction de leur distance au seuil de piste. Ainsi, à plus de 7 km, ils doivent voler à au moins 391 mètres de haut. Altitude qui descend à près de 100 mètres à moins de 2 km de la piste. Les appareils doivent également suivre un couloir aérien précis.
Mais la direction de l’aéroport tempère et rappelle qu’il existe des cas particuliers, comme des conditions météorologiques difficiles, qui peuvent amener les avions à modifier leur trajectoire. “Des conditions météo, par exemple orageuses, peuvent entraîner des changements dans la trajectoire, toujours dans un régime de sécurité maximale”, explique Philippe Trubert, directeur du syndicat mixte de l’aéroport.
Un plan d’insonorisation achevé mais un trafic en hausse
La direction se veut rassurante et affirme avoir mené à bien un vaste plan d’insonorisation qui a permis d’équiper 300 maisons de la zone. Mais dans le même temps, elle prévoit une montée en puissance du trafic aérien dans les années à venir. “Avec des travaux sur les infrastructures, pour accueillir plus de passagers, plus d’avions, on passerait de 25.000 mouvements en 2019 à 53.000 mouvements prévus dans 30 ans”, détaille Dominique Lazarski, présidente de l’association de défense des riverains Adera.
Un projet d’extension qui fait frémir les habitants, déjà à bout. Si ce plan se concrétise, le nombre de passagers pourrait grimper de 6 à 8 millions par an. Une hausse significative quand on sait que le trafic aérien mondial croît de 5% chaque année en moyenne.
Un conflit qui s’envenime
Face à cette situation, les riverains se sentent démunis. Malgré les procédures en place, les incidents se multiplient et leur quotidien vire au cauchemar. De son côté, l’aéroport, pris entre des impératifs de sécurité et des enjeux de développement économique, peine à trouver un équilibre.
Une chose est sûre, le conflit entre les habitants de Plouy Saint-Lucien et l’aéroport de Beauvais-Tillé est loin d’être terminé. Alors que les procès se multiplient et que le trafic aérien continue sa croissance effrénée, difficile de voir une issue à court terme. Les riverains parviendront-ils à faire entendre leur voix et à préserver leur tranquillité ? L’aéroport trouvera-t-il un moyen de concilier développement et respect du cadre de vie des habitants ? Autant de questions qui restent en suspens et qui promettent encore de nombreux rebondissements dans ce dossier épineux.