Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient, la sécurité de l’Union européenne est plus que jamais au cœur des préoccupations. Selon des informations exclusives obtenues par notre rédaction, un rapport confidentiel pointe du doigt les vulnérabilités du dispositif de contre-espionnage européen face à la recrudescence des menaces hybrides, en particulier celles émanant de la Russie. Ce document, rédigé par l’ancien président finlandais Sauli Niinistö à la demande de la Commission européenne, formule des recommandations ambitieuses pour renforcer la coordination du renseignement au sein de l’UE. Décryptage.
Une Europe sous la menace d’activités malveillantes
Le constat dressé par Sauli Niinistö est sans appel : le territoire de l’Union européenne est confronté à une « augmentation significative (…) d’activités malveillantes« , des « activités hybrides » de plus en plus « agressives« . La Russie est particulièrement pointée du doigt comme étant à l’origine de ces ingérences croissantes. Face à cette situation préoccupante, l’ancien dirigeant finlandais appelle à une réaction forte et coordonnée des États membres.
Vers un service européen de coopération en matière de renseignement ?
La principale recommandation formulée dans ce rapport confidentiel est la mise en place progressive d’un véritable « service à part entière » de coopération en matière de renseignement au niveau européen. Une telle structure permettrait de mutualiser les ressources et les informations des services de renseignement nationaux pour mieux faire face aux défis sécuritaires communs.
Sauli Niinistö insiste sur la nécessité de renforcer la confiance entre les États membres dans ce domaine sensible : « Nous devons nous faire confiance entre nous« , a-t-il déclaré devant la presse à Bruxelles. La création de ce service européen de renseignement se ferait de manière progressive, en commençant par un renforcement de la structure actuelle d’analyse de renseignement de l’UE, le SIAC (Single Intelligence Analysis Capacity).
Harmoniser les règles contre les activités clandestines
Autre axe majeur préconisé par le rapport : l’harmonisation des législations et des pratiques en matière de contre-espionnage entre les 27 États membres. Actuellement, les disparités existantes peuvent être exploitées par les « acteurs malveillants » pour mener leurs activités clandestines en toute impunité.
Parmi les pistes évoquées, figure notamment la création d’une « base de données commune sécurisée sur les personnes à haut risque« . L’objectif serait d’éviter qu’un espion hostile expulsé d’un pays de l’UE puisse être redéployé dans un autre État membre. Le rapport suggère également de « limiter si nécessaire » la circulation des diplomates ou des ressortissants de pays considérés comme une menace en termes d’espionnage ou de sabotage.
Développer une « culture du contre-espionnage » au sein de l’UE
Au-delà des aspects techniques et réglementaires, Sauli Niinistö appelle de ses vœux le développement d’une véritable « culture du contre-espionnage » parmi les États membres. Il s’agit de favoriser une prise de conscience collective des enjeux et des menaces, ainsi qu’une coopération accrue entre les services concernés.
Cette ambition se heurte toutefois aux réticences historiques de certains pays, peu enclins à partager leurs informations sensibles ou à voir émerger une agence européenne qui ferait de l’ombre à leurs propres services. Le chemin vers une Europe du renseignement semble encore long et semé d’embûches.
Un rapport qui fera date
Commandé il y a six mois par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans le contexte de la guerre en Ukraine, ce rapport très attendu sur la défense et la sécurité de l’UE fera sans nul doute date. Ses recommandations ambitieuses sont à la hauteur des défis auxquels est confrontée l’Union.
« La guerre de Poutine en Ukraine constitue la plus grande menace pour notre sécurité« , a souligné Ursula von der Leyen en recevant le rapport. « Les dépenses de défense de la Russie sont en train de dépasser les montants collectifs de tous les États membres européens réunis. Nous devons donc intensifier nos efforts.«
Reste à savoir si les dirigeants européens sauront surmonter leurs divergences pour mettre en œuvre ces réformes d’envergure. L’avenir de la sécurité européenne en dépend. Notre rédaction continuera de suivre ce dossier brûlant de près dans les semaines et mois à venir.