Depuis quelques jours, une mission diplomatique de haut niveau est à pied d’œuvre en Nouvelle-Calédonie. Mandatée par le Forum des îles du Pacifique (FIP), cette délégation exceptionnelle composée de plusieurs Premiers ministres de la région a pour objectif d’évaluer la situation politique complexe que traverse l’archipel français, secoué par des tensions croissantes autour de la question de l’indépendance.
Le Forum du Pacifique veut parler “en famille”
Pendant trois jours, les émissaires du FIP, qui regroupe 18 États et territoires du Pacifique dont la Nouvelle-Calédonie, ont multiplié les audiences. Au programme : des entretiens avec les dirigeants politiques calédoniens, mais aussi des représentants de la société civile au sens large – coutumiers, associations, acteurs économiques et éducatifs.
Une approche qui se veut à la fois exhaustive et bienveillante. Comme l’a souligné le Premier ministre tongien, Siaosi Sovaleni, actuel président en exercice du FIP :
Nous sommes ici en famille, pour parler des problèmes comme le ferait une famille.
En dépêchant une mission d’une telle envergure, avec pas moins de trois chefs de gouvernement à sa tête, le Forum témoigne de sa volonté d’être un facilitateur du dialogue en Nouvelle-Calédonie, à l’heure où l’avenir institutionnel du territoire est plus que jamais en suspens.
Un rapport très attendu début 2025
Initialement annoncée début août, cette mission “d’enquête” avait dû être reportée, faute d’accord entre le gouvernement local indépendantiste et Paris sur ses objectifs précis. Louis Mapou, président de l’exécutif calédonien, s’est félicité qu’elle ait finalement pu se tenir :
Une mission d’un tel niveau, c’est inédit pour la Nouvelle-Calédonie.
Côté loyaliste en revanche, on affiche une certaine réserve. Pour Sonia Backès, présidente de la province Sud, cette initiative n’était pas souhaitée. Elle espère néanmoins que le rapport qui en découlera, attendu d’ici début 2025, sera « le plus neutre possible ».
Calmer le jeu sur fond d’incompréhensions
De fait, la venue du FIP intervient dans un contexte de fortes tensions en Nouvelle-Calédonie. Depuis plusieurs mois, le Front de Libération Nationale Kanak Socialiste (FLNKS), fer de lance de la lutte indépendantiste, conteste une réforme du corps électoral promulguée par le parlement français en décembre 2022.
Cette modification unilatérale des règles du jeu pour les prochaines consultations sur l’accession du territoire à la pleine souveraineté a ravivé les plaies. Violences sporadiques, barrages routiers, revendications foncières : la grogne indépendantiste se fait de plus en plus pressante.
C’est dans ce contexte délétère que s’inscrit la mission du Forum. En jouant la carte du dialogue “en famille” avec toutes les parties prenantes, l’organisation régionale espère contribuer à une désescalade. Son rapport, très attendu, pourrait offrir des pistes pour renouer le fil du processus de décolonisation, aujourd’hui dans l’impasse.
Un dossier d’importance régionale
En dépêchant certains de ses plus hauts dirigeants sur le “Caillou”, le FIP mesure pleinement les enjeux de la crise calédonienne. Il en va de la stabilité et de la cohésion de cette région du Pacifique déjà sous tensions.
Entre velléités indépendantistes, montée des populismes et appétits croissants des grandes puissances, le sort de la Nouvelle-Calédonie et la façon dont son avenir sera dessiné seront scrutés de près par tous les États et territoires de la zone.
Ce n’est donc pas un hasard si le FIP s’implique de manière aussi visible et au plus haut niveau dans ce dossier. L’enjeu est de peser pour un retour à la sérénité et à la confiance, gages indispensables pour imaginer un nouveau destin commun pour ce territoire français du bout du monde, toujours en quête de lui-même.