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Violations des Droits de l’Homme : Le Passé Inquiétant du Ministre Indonésien

Le passé trouble du nouveau ministre de la Défense indonésien Sjafrie Sjamsoeddin refait surface. Accusé de violations des droits humains pendant sa carrière militaire, sa nomination inquiète la société civile et les défenseurs des droits de l'homme. L'avenir démocratique de l'Indonésie est-il en péril ?

La nomination de Sjafrie Sjamsoeddin, 71 ans, au poste de ministre de la Défense en Indonésie soulève de vives inquiétudes parmi les défenseurs des droits humains et la société civile. Ce haut gradé militaire, proche du président Prabowo Subianto, est en effet soupçonné d’être impliqué dans de nombreuses violations des droits de l’homme au cours de sa longue carrière au sein de l’armée indonésienne.

Un lourd passif de disparitions et d’abus

Selon la Commission pour les disparus et les victimes de la violence (Kontras), Sjafrie Sjamsoeddin et l’actuel président Prabowo Subianto seraient liés à la disparition de 23 militants étudiants entre 1997 et 1998. Parmi eux, neuf ont été retrouvés vivants, un est déclaré décédé et treize restent portés disparus à ce jour. Des accusations graves qui n’ont pourtant jamais donné lieu à des poursuites judiciaires.

Le nom de Sjafrie Sjamsoeddin est également cité dans les émeutes meurtrières qui ont secoué Jakarta en mai 1998, entraînant la chute du dictateur Suharto. Lors de ces événements, attisés par l’armée selon de nombreux observateurs, des commerces tenus par la communauté chinoise ont été saccagés, des femmes violées et des militants arrêtés. Une répression sanglante dans laquelle le nouveau ministre de la Défense aurait joué un rôle clé.

L’ombre du Timor oriental

Le passé trouble de Sjafrie Sjamsoeddin ne s’arrête pas là. Membre des forces spéciales Kopassus, il a participé à l’invasion du Timor oriental en décembre 1975, quelques jours seulement après l’indépendance de cette ex-colonie portugaise. Pendant plus de 20 ans, il a œuvré à réprimer dans le sang toute velléité de rébellion de la population timoraise.

Un télégramme diplomatique américain de 2009, révélé par Wikileaks, affirme même que Sjafrie Sjamsoeddin serait directement impliqué dans le massacre de Santa Cruz, perpétré le 12 novembre 1991. Ce jour-là, plus de 250 manifestants indépendantistes non armés ont été abattus par l’armée indonésienne lors d’une procession funéraire à Dili, la future capitale du Timor oriental.

Les faits nous amènent à conclure que Sjafrie Sjamsoeddin a occupé des postes de commandement de haut niveau en 1991 et 1999, des moments où des atrocités ont indéniablement été commises, et indiquent clairement sa culpabilité personnelle.

– Extrait d’un télégramme diplomatique américain révélé par Wikileaks

Une menace pour la démocratie indonésienne ?

Malgré l’ampleur des accusations pesant contre lui, Sjafrie Sjamsoeddin n’a jamais été inquiété par la justice. Son nom n’est ressorti dans aucun des procès relatifs au Timor oriental, et il a été blanchi au sujet des émeutes de Jakarta. Une impunité qui fait craindre le pire aux militants des droits de l’homme.

Avec la nomination de Sjafrie Sjamsoeddin et d’autres figures controversées de l’armée à des postes clés du gouvernement, c’est tout l’avenir démocratique de l’Indonésie qui semble menacé. Beaucoup redoutent un retour en arrière, vers un régime militariste comme à l’époque de Suharto, où les libertés fondamentales étaient bafouées au nom de l’ordre et de la stabilité.

L’Indonésie avait le choix entre des politiciens et des militaires de qualité, mais elle a malheureusement opté pour l’un des maîtres de la terreur.

– Pat Walsh, défenseur australien des droits humains

Face à ces inquiétudes, le gouvernement indonésien reste pour l’instant muet. Ni le président Prabowo Subianto, lui-même soupçonné d’implication dans des violations des droits humains, ni le ministère de la Défense n’ont souhaité réagir aux sollicitations de la presse. Un silence assourdissant, qui en dit long sur les défis immenses auxquels sont confrontés les défenseurs des libertés en Indonésie.

La société civile indonésienne et la communauté internationale seront plus que jamais vigilantes face à ce gouvernement potentiellement liberticide. Car derrière la façade démocratique, c’est bien la résurgence d’un régime autoritaire et militariste qui se profile à l’horizon. Un spectre du passé qui menace de faire voler en éclats les fragiles acquis d’une nation encore hantée par les démons de son histoire.

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