Selon une source proche du dossier, la France et le Maroc s’apprêteraient à intensifier leur collaboration en matière de lutte contre l’immigration illégale. Une rencontre au sommet entre le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau et son homologue marocain aurait permis d’arrêter de nouvelles mesures pour réguler les flux migratoires entre les deux pays.
Vers une accélération des réadmissions de migrants en situation irrégulière
Au cœur des discussions : la question épineuse des réadmissions de ressortissants marocains en situation irrégulière sur le territoire français. Paris et Rabat auraient convenu de la nécessité de “raccourcir les délais” afin de “mieux faire en termes de nombre de personnes réadmises”, a révélé Bruno Retailleau à l’issue de sa rencontre avec Abdelouafi Laftit, son vis-à-vis marocain.
Un travail doit notamment être mené sur les procédures d’identification des migrants dont l’origine n’est pas documentée, souvent un obstacle aux réadmissions. Les deux ministres auraient décidé l’élaboration d’une “feuille de route franco-marocaine” dans les prochaines semaines, avec des “objectifs” et des “méthodes” pour faire progresser ce dossier sensible.
Le Maroc, un “pays sûr” selon Beauvau
Avant son déplacement à Rabat, le ministre français de l’Intérieur avait déjà affiché sa volonté d’“accélérer un certain nombre de réadmissions” vers le Maroc, estimant que le royaume chérifien est un “pays sûr” où de tels renvois peuvent être opérés. Une position réaffirmée par Emmanuel Macron lui-même devant le parlement marocain, où il a appelé de ses vœux une “coopération naturelle et fluide” entre les deux pays sur ces questions.
Le délicat dossier des laissez-passer consulaires
La réadmission d’un migrant en situation irrégulière est notamment conditionnée à l’obtention d’un laissez-passer consulaire, document indispensable en l’absence de passeport. Un point d’achoppement dans de nombreux cas, comme l’a rappelé la récente arrestation de Taha O., un ressortissant marocain sous le coup d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) et suspecté dans une affaire criminelle.
Le Maroc est prêt à rapatrier tout migrant irrégulier dont il est attesté qu’il est Marocain et est parti du territoire marocain.
– Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères
Côté marocain, on se dit disposé à coopérer pleinement dans le cadre fixé par la loi. “Le Maroc est prêt à rapatrier tout migrant irrégulier dont il est attesté qu’il est Marocain et est parti du territoire marocain”, a ainsi assuré début octobre Nasser Bourita, le chef de la diplomatie marocaine. Tout en relevant les “efforts considérables” déjà mis en œuvre par son pays en matière de contrôle des frontières et de lutte contre les réseaux de passeurs.
Surveiller les frontières maritimes et terrestres
Lors de leur rencontre, MM. Retailleau et Laftit ont également convenu de “suivre directement” la question de la surveillance des frontières maritimes et terrestres, “avec des points d’étape réguliers”. Un axe jugé essentiel pour tarir les flux de migrants clandestins transitant par le Maroc.
Nous avons un cadre de travail que nous souhaitons approfondir, que ce soit en matière de retour, de lutte contre les filières ou de surveillance des frontières terrestres et maritimes.
– Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur
“Nous avons un cadre de travail que nous souhaitons approfondir, que ce soit en matière de retour, de lutte contre les filières ou de surveillance des frontières terrestres et maritimes”, a résumé le ministre français. Un renforcement de la coopération qui s’annonce donc sur tous les fronts pour juguler une immigration clandestine en forte hausse ces dernières années.
Des relations franco-marocaines en dents de scie sur la question migratoire
Ces annonces interviennent après une période de tensions diplomatiques entre Paris et Rabat, notamment cristallisées autour de la question des visas. En 2021, la France avait décidé de durcir drastiquement les conditions d’attribution pour les ressortissants marocains, une mesure perçue comme une “punition” côté marocain et qui avait suscité l’ire des autorités.
Emmanuel Macron semble aujourd’hui décidé à renouer le fil du dialogue avec son importante contrepartie maghrébine. La gestion concertée des flux migratoires est un dossier prioritaire, Paris espérant des “résultats” rapides pour contenir une situation de plus en plus préoccupante. Le déplacement de Bruno Retailleau à Rabat marque une nouvelle étape dans cette entreprise de réchauffement des relations bilatérales, avec l’immigration clandestine en toile de fond.
Reste à voir si les bonnes intentions affichées de part et d’autre se traduiront par une réelle efficacité sur le terrain. Les réseaux criminels de passeurs, la porosité de certaines frontières et la complexité des procédures administratives demeurent autant de défis à relever pour les deux pays dans ce combat de longue haleine contre l’immigration illégale. Une lutte qui nécessitera une coopération sans faille et des moyens à la hauteur des enjeux sécuritaires et humains.