Tôt ce mardi matin, une école d’élite des forces spéciales russes située en Tchétchénie a été la cible d’une attaque de drones, un incident sans précédent depuis le début de l’offensive russe en Ukraine en février 2022. Ramzan Kadyrov, le dirigeant tchétchène proche de Vladimir Poutine, a rapidement réagi sur les réseaux sociaux pour donner des détails sur cette frappe audacieuse en territoire russe.
Une école prestigieuse visée, pas de victimes selon Kadyrov
L’attaque a eu lieu à 6h30 heure locale à Goudermes, ville tchétchène située à plusieurs centaines de kilomètres de la ligne de front ukrainienne. Selon Ramzan Kadyrov, le toit d’un bâtiment vide de l’Université russe des forces spéciales a pris feu suite à l’assaut de drones. Cette école, qui porte le nom du président Vladimir Poutine lui-même, est un haut lieu de formation pour les combattants d’élite russes, les fameux “spetsnaz”.
Le dirigeant tchétchène s’est voulu rassurant, assurant qu’il n’y avait eu “ni morts ni blessés” et que l’incendie avait été maîtrisé. Des images relayées sur Telegram, réputé proche des forces de sécurité russes, montrent un épais panache de fumée s’élevant au-dessus d’un bâtiment d’où jaillissent des flammes, témoignant de l’intensité de la frappe.
Un centre névralgique pour les forces russes en Ukraine
Fondée en 2013, l’Université des forces spéciales russes de Goudermes est devenue un rouage essentiel de la machine de guerre russe. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, ce centre a formé plus de 19 000 volontaires destinés à partir sur le front selon l’agence d’État Tass, un chiffre considérable qui en dit long sur son importance stratégique.
Vladimir Poutine en personne s’était rendu dans cette école en août dernier, sa première visite en Tchétchénie depuis 2011, preuve de l’attention toute particulière que le maître du Kremlin porte à cette pépinière de combattants aguerris. C’est d’ailleurs à cette occasion que l’établissement avait été rebaptisé en son honneur.
Les “Kadyrovtsy”, troupes de choc redoutées
Au-delà des spetsnaz, la Tchétchénie fournit à la Russie certaines de ses unités les plus redoutées, à commencer par les “kadyrovtsy”. Ces soldats loyaux à Ramzan Kadyrov, connus pour leur brutalité, sont déployés en Ukraine depuis le début du conflit. Certains ont fait leurs armes sur d’autres théâtres d’opérations par le passé, notamment en Syrie et dans l’est de l’Ukraine dès 2014.
Malgré leur sinistre réputation, les forces de Kadyrov sont régulièrement mises en avant par la propagande russe. Leur engagement sans faille aux côtés de Moscou est présenté comme un modèle, alors même que la Tchétchénie a été le théâtre de deux guerres sanglantes dans les années 1990 et 2000.
Des questions sur la sécurité en territoire russe
Si l’attaque de drones sur Goudermes n’a pas fait de victimes, elle n’en reste pas moins hautement symbolique. C’est la première fois qu’une telle frappe est recensée officiellement sur le sol tchétchène depuis le début de la guerre en Ukraine. Elle démontre la capacité des forces ukrainiennes, ou de leurs alliés, à porter des coups en profondeur sur le territoire russe.
Cet incident soulève des interrogations sur la sécurité des installations militaires et stratégiques russes, alors que le conflit entre dans son seizième mois sans perspective de résolution à court terme. Il pourrait pousser Moscou à renforcer ses défenses anti-aériennes, au moment où ses ressources sont déjà lourdement sollicitées par les combats acharnés qui se déroulent sur le front.
Au-delà de sa dimension militaire, l’attaque de Goudermes revêt aussi un caractère symbolique fort. En visant une école symbolisant l’alliance entre Poutine et Kadyrov, elle porte un coup à l’image de puissance et de contrôle que les deux dirigeants s’efforcent de projeter. Elle rappelle que malgré la militarisation à outrance de la société russe, des failles existent et peuvent être exploitées.
Alors que la guerre en Ukraine s’enlise et que les pertes s’accumulent des deux côtés, chaque événement de ce type est scruté avec attention. Il pourrait préfigurer une nouvelle phase du conflit, avec une implication croissante des drones et une extension des opérations au-delà de la ligne de front. Une perspective inquiétante qui ne peut qu’encourager les efforts diplomatiques pour tenter de trouver une issue à cette crise majeure aux portes de l’Europe.