Alors que les armes continuent de parler dans la bande de Gaza, la question de l’avenir politique du territoire palestinien commence déjà à se poser. Après l’assassinat mi-octobre du chef du Hamas Yahya Sinouar par l’armée israélienne, les spéculations vont bon train sur la future gouvernance de Gaza, où le mouvement islamiste est au pouvoir depuis 2007.
Les Palestiniens veulent garder la main
Face aux ingérences étrangères potentielles, les Palestiniens martèlent un message clair depuis plusieurs mois : l’avenir de Gaza leur appartient. Malgré les appels du pied de certains acteurs internationaux pour jouer un rôle dans l’après-guerre, la population locale refuse toute implication extérieure dans la gestion du territoire.
Le plan d’Israël pour Gaza
Côté israélien, on exclut catégoriquement un retour du Hamas aux affaires. Pour autant, l’État hébreu assure ne pas vouloir administrer directement la bande de Gaza. Des responsables d’extrême-droite, y compris au sein du gouvernement, suggèrent néanmoins la réinstallation de colons israéliens, 17 ans après leur départ. À court terme, l’objectif de Tsahal est de rester sur place “autant de temps qu’il le faudra pour parvenir à une solution sécuritaire”, selon une source sécuritaire israélienne.
Le but maintenant n’est pas de contrôler Gaza.
Une source sécuritaire israélienne à l’AFP
Plusieurs pistes sont évoquées par les médias israéliens, comme le déploiement d’une force internationale ou une aide financière pour la reconstruction, estimée à des dizaines de milliards d’euros. Parmi les interlocuteurs pressentis : l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, les États-Unis ou encore l’Union européenne. Les contreparties demandées en échange restent cependant floues à ce stade.
Quel rôle pour l’Autorité palestinienne ?
Depuis la Cisjordanie occupée, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas s’efforce de rester présente à Gaza, notamment via les municipalités où travaillent encore certains de ses fonctionnaires. Un responsable du Hamas s’est dit prêt à soutenir, à la fin de la guerre, un gouvernement de technocrates palestiniens auquel le mouvement islamiste ne participerait pas. Il demande toutefois à être consulté pour la nomination de ses membres.
En parallèle, les principaux partis politiques palestiniens poursuivent les discussions entamées avant le conflit pour réunifier leur direction, divisée depuis l’éviction en 2007 du Fatah de Gaza après des affrontements avec le Hamas. Le président Abbas a réaffirmé que la bande de Gaza faisait partie intégrante de l’État palestinien et relevait de sa responsabilité, rejetant toute mesure qui aboutirait à une séparation entre Gaza et la Cisjordanie.
L’Autorité ne pourra pas fonctionner dans la bande de Gaza sans le Hamas.
Muhammad Shehada, chercheur à l’ECFR
Des négociations officieuses se tiennent en coulisses sur la réouverture du terminal de Rafah, point de passage entre Gaza et l’Égypte contrôlé par Israël. Si l’Autorité palestinienne parvenait à y reprendre pied, elle pourrait tracer une route vers Gaza autrement que “sur un char israélien”, selon une expression consacrée dans les Territoires.
De nombreux obstacles à surmonter
Mais la partie est loin d’être gagnée. “On rentre à peine dans le dur des conversations sur le tout début de la fin”, soupire un diplomate européen en Israël. Selon plusieurs sources diplomatiques, les scénarios impliquant des pays étrangers pour assurer la sécurité et la reconstruction de Gaza après la guerre ne sont pour l’instant que des hypothèses.
Les États arabes se montrent réticents, conscients que “le spectacle de leurs troupes affrontant la résistance armée palestinienne n’allait pas plaire à leur société”, analyse Muhammad Shehada. Xavier Guignard, spécialiste des questions palestiniennes, estime quant à lui que chercher un dispositif de gouvernance pour Gaza est prématuré tant que l’armée israélienne occupe le terrain. “Une occupation militaire, on ne peut pas savoir combien de temps ça dure”, rappelle-t-il.
Le chercheur pointe aussi la frilosité d’une opinion publique israélienne plus que jamais opposée à la création d’un État palestinien et peu encline à favoriser un retour en force de l’Autorité palestinienne à Gaza. Car si cette option peut sembler une “réponse naturelle”, elle constitue “une ligne rouge” pour les dirigeants israéliens en ce qu’elle ressemblerait trop à “une solution politique permettant la réunification de Gaza et de la Cisjordanie”.
Autant de paramètres qui laissent présager de longues et âpres tractations en coulisses avant qu’un consensus ne se dégage sur la future gouvernance de Gaza. D’ici là, les Palestiniens du territoire devront surtout composer avec les réalités d’une guerre qui n’en finit pas et d’une après-guerre qui s’annonce pour le moins compliquée.