Dans le débat houleux sur l’immigration aux États-Unis, une voix inattendue s’élève du passé pour mettre en garde contre ses dangers potentiels, en particulier pour la communauté afro-américaine. Donald Harris, père de la Vice-Présidente Kamala Harris et professeur émérite à la prestigieuse université de Stanford, avait en effet tiré la sonnette d’alarme dès 1988 dans un traité intitulé “Black Economic Progress: An Agenda for the 1990s”, dont il est co-auteur.
L’afflux de travailleurs peu qualifiés, une menace pour les Noirs selon Donald Harris
Dans cet ouvrage visionnaire, celui qui était alors un universitaire reconnu et engagé mettait en lumière les conséquences néfastes d’une immigration de masse, en particulier de travailleurs peu qualifiés, sur la situation économique des Afro-Américains. “Les lois américaines sur l’immigration ont été modifiées de manière à accroître l’afflux de travailleurs peu qualifiés, qui concurrencent les jeunes nés aux États-Unis et les travailleurs adultes peu qualifiés pour les emplois peu qualifiés”, écrivait-il sans détour.
Pour Donald Harris, cet accroissement de la compétition pour les emplois précaires et peu rémunérés constituait “un problème particulièrement grave pour les Noirs, qui constituent une proportion élevée des travailleurs adultes peu qualifiés”. Une concurrence déloyale qui vient exacerber la situation déjà difficile des communautés noires américaines, parmi les plus touchées par le chômage et la pauvreté.
Du marxisme à la défense des intérêts des travailleurs
Cette prise de position peut sembler surprenante de la part d’un intellectuel se revendiquant comme marxiste. Pourtant, en s’opposant à une immigration massive susceptible de tirer vers le bas les salaires et les conditions de travail des plus vulnérables, Donald Harris se posait en défenseur des travailleurs noirs américains. Une posture humaniste et pragmatique, loin des clivages idéologiques habituels.
Au-delà de l’anecdote familiale, la mise en garde de Donald Harris jette une lumière crue sur les enjeux complexes et souvent passés sous silence de l’immigration pour les communautés afro-américaines. Si la Vice-Présidente Kamala Harris semble aujourd’hui plus favorable à une politique migratoire ouverte, l’avertissement lancé par son père il y a plus de 30 ans résonne encore avec force dans le débat actuel.
« Ce changement a été un problème particulièrement grave pour les Noirs, qui constituent une proportion élevée des travailleurs adultes peu qualifiés. »
– Donald Harris, père de Kamala Harris, dans “Black Economic Progress: An Agenda for the 1990s” (1988)
Un avertissement prémonitoire face aux défis actuels
Alors que les États-Unis font face à une crise migratoire sans précédent, avec des millions de migrants illégaux franchissant chaque année la frontière mexicaine, les mots de Donald Harris prennent une résonance toute particulière. Au-delà des questions sécuritaires et identitaires, c’est bien l’impact économique et social de cette immigration de masse sur les Américains les plus modestes, en particulier les Afro-Américains, qui doit être pris en compte.
Loin des caricatures et des postures moralisatrices, il est urgent d’avoir un débat apaisé et factuel sur les conséquences réelles d’une politique migratoire trop permissive pour les travailleurs peu qualifiés, quelle que soit leur origine. En osant briser ce tabou dès 1988, Donald Harris a ouvert la voie à une réflexion nécessaire sur la conciliation entre ouverture au monde et protection des plus fragiles.
L’impératif d’une immigration maîtrisée et intégrative
S’il ne s’agit pas de fermer les frontières ou de stigmatiser les immigrés, une régulation raisonnée des flux migratoires apparaît indispensable pour préserver la cohésion sociale et donner à chacun, y compris aux nouveaux arrivants, les moyens de s’intégrer et de réussir. Cela passe par des politiques volontaristes en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’accès à l’emploi, afin de réduire la concurrence déloyale et de favoriser l’ascension sociale de tous.
En fin de compte, la lucidité dont a fait preuve Donald Harris il y a plus de trois décennies nous invite à repenser en profondeur le modèle d’intégration américain, pour bâtir une société plus juste et plus inclusive. Un défi immense mais nécessaire, qui nécessite de dépasser les clivages partisans et de placer l’intérêt des plus vulnérables au cœur des décisions politiques. Un héritage précieux que Kamala Harris, en tant que première Vice-Présidente afro-américaine, se doit de porter haut et fort.