En cette fin octobre 2024, l’ambiance est électrique au Palais Bourbon. Les débats sur le projet de loi de finances 2025 battent leur plein et le temps presse. Malgré une prolongation exceptionnelle des discussions ce samedi, il reste encore plus de 1900 amendements à examiner d’ici ce soir minuit, deadline fixée pour le vote solennel prévu mardi. Un véritable casse-tête pour la majorité relative, qui voit le spectre du 49.3 se rapprocher inexorablement.
Une course contre la montre à l’Assemblée
Depuis le début de l’examen du texte, les débats sont intenses et les positions tranchées. L’opposition donne de la voix, multipliant les amendements pour tenter de faire barrage aux mesures les plus controversées. Mais le calendrier est serré et chaque heure compte. “Nous avons déjà fait le maximum en prolongeant les débats ce week-end”, confie une source proche du dossier. “Mais vu le nombre d’amendements restants, une nouvelle journée de discussions dimanche pourrait s’avérer vaine.”
Le 49.3, une arme à double tranchant
Face à cette impasse, la tentation est grande pour l’exécutif de dégainer l’arme du 49.3. Ce fameux article de la Constitution permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote, en engageant sa responsabilité devant l’Assemblée. Un véritable passage en force, qui court-circuite les débats mais présente aussi des risques politiques majeurs.
Le 49.3 est une arme atomique sur le plan politique. Son usage est toujours périlleux et suscite immanquablement des critiques virulentes de l’opposition.
Un député de la majorité
Le Premier ministre Michel Barnier, lui, temporise. Vendredi encore, il affirmait vouloir “laisser le débat se poursuivre”, malgré le feu vert du Conseil des ministres pour recourir au 49.3 si nécessaire. Une façon de ne pas jeter d’huile sur le feu, tout en gardant cette carte dans sa manche.
Les scénarios possibles
Si le 49.3 n’est pas activé, les débats sur les recettes reprendront le 5 novembre, en même temps que doit débuter l’examen de la partie dépenses. Un embouteillage du calendrier parlementaire qui ferait prendre un retard considérable au projet de loi, au risque de ne pas respecter les délais fixés par la Constitution.
- Si l’Assemblée ne vote pas le texte sous 40 jours, le gouvernement peut saisir le Sénat qui a alors 15 jours pour se prononcer
- Si le Parlement dans son ensemble ne vote pas sous 70 jours, le gouvernement peut légiférer par ordonnances
Autant dire que la pression monte sur Matignon et Bercy pour ficeler au plus vite ce budget crucial, qui doit permettre de trouver pas moins de 60 milliards d’euros pour redresser les comptes publics. Entre coupes budgétaires et hausses d’impôts, les arbitrages s’annoncent douloureux et les contestations nombreuses.
Le gouvernement dos au mur
Pour l’heure, l’exécutif reste muet sur ses intentions. Mais en coulisses, chacun échafaude ses stratégies. Certains plaident pour un 49.3 ciblé uniquement sur les points de blocage, afin de ne pas donner l’impression de court-circuiter l’ensemble des débats. D’autres, comme ce conseiller ministériel, jugent inévitable le recours à “l’arme atomique” :
Vu le peu de temps qu’il nous reste et l’hostilité des oppositions, je ne vois pas comment nous pourrons faire autrement que d’utiliser le 49.3. Ce n’est pas de gaieté de cœur, mais c’est la seule façon de tenir nos engagements et notre calendrier.
Une chose est sûre : les prochaines heures s’annoncent décisives et à haut risque pour le gouvernement. Entre menaces de motion de censure et accusations de déni démocratique, le recours au 49.3 pourrait durablement envenimer le climat politique et compliquer la suite du quinquennat. Mais l’exécutif est dos au mur : sans majorité absolue à l’Assemblée, difficile de faire passer des réformes impopulaires dans un contexte social déjà explosif.
Réponse dans les prochaines heures, alors que l’épée de Damoclès du 49.3 n’a jamais semblé aussi proche de tomber sur ce budget à haut risque. L’opposition aiguise ses armes, prête à en découdre. Le gouvernement, lui, retient son souffle. En espérant sans doute un miracle politique de dernière minute pour éviter un recours en force qui signerait l’échec de la concertation.