Dans les laboratoires de recherche de Thales à Palaiseau, en région parisienne, une révolution technologique est en marche. Les ingénieurs de ce géant français de la défense s’inspirent de la nature pour concevoir des systèmes militaires de pointe, allant de capteurs optiques hydrophobes imitant l’aile d’un papillon à des ordinateurs neuromorphiques reproduisant le fonctionnement du cerveau humain.
Des surfaces hydrophobes inspirées de l’aile de papillon
L’humidité est l’ennemi juré des systèmes optiques utilisés pour la surveillance et la détection de cibles. Lorsque les capteurs sont en contact avec l’eau, l’image se brouille, réduisant considérablement leur efficacité. Pour remédier à ce problème, les chercheurs de Thales ont mis au point une solution biomimétique surprenante.
En reproduisant la structure de l’aile d’un papillon du Brésil, translucide et hydrophobe, ils ont réussi à créer une surface nanostructurée capable de faire rebondir les gouttelettes d’eau. Cette propriété de super hydrophobie permettra de remplacer les encombrants essuie-glaces actuellement utilisés sur les équipements militaires.
Les militaires seront les premiers à profiter de cette innovation dans quelques années, mais à terme, elle pourrait également être intégrée aux lunettes civiles ou aux caméras des voitures autonomes.
Raphaël Guillemet, ingénieur de recherche chez Thales
Un investissement massif dans la R&D
Pour rester à la pointe de l’innovation, Thales consacre chaque année près de 20% de son chiffre d’affaires à la recherche et au développement, soit environ 4 milliards d’euros. Un investissement colossal qui s’explique par la nécessité de maîtriser les technologies critiques dans les domaines de la défense, de l’aérospatial et de la cybersécurité.
On opère dans les domaines critiques et on doit maîtriser les technologies souveraines. On ne peut pas demander à Google de nous faire de l’intelligence artificielle.
Bernhard Quendt, directeur technique de Thales
Un ordinateur inspiré du cerveau humain
Au laboratoire Albert Fert, nommé en l’honneur du prix Nobel de physique, les chercheurs planchent sur un ordinateur neuromorphique capable de reproduire le fonctionnement du cerveau humain. L’objectif : développer une intelligence artificielle à moindre coût énergétique.
Pour y parvenir, ils fabriquent un réseau de nanoneurones artificiels connectés entre eux par des signaux radiofréquences. Ce processus imite les connexions neuronales du cerveau, tout en étant un million de fois plus rapide. Les propriétés des composants utilisés sont très proches de celles décrites par Albert Fert dans ses travaux sur la magnétorésistance géante.
Le radar AESA, clé du succès des Rafale
La recherche sur les composants se poursuit dans un autre laboratoire de Thales, qui a joué un rôle déterminant dans la réussite des avions de chasse Rafale. Il y a une vingtaine d’années, les ingénieurs français ont mis au point un radar AESA à antenne active pour rattraper leur retard sur les Américains.
Ce radar multimission est capable de guider un missile, de protéger l’avion et de surveiller un appareil ennemi simultanément. Une prouesse technologique qui a grandement contribué à l’attractivité du Rafale sur le marché international de l’armement.
L’antenne quantique, une révolution en devenir
Dans une pièce adjacente, les chercheurs travaillent sur la conception d’une antenne quantique à base de supraconducteurs. Lorsque ces matériaux sont refroidis, ils entrent dans un état quantique où les électrons peuvent circuler sans résistance électrique.
On pourra remplacer des centaines de mètres d’antennes classiques par un dispositif de quelques centimètres. Cette miniaturisation permettra d’équiper les drones, devenus incontournables dans les conflits actuels.
Juan Trastoy, chercheur chez Thales
À travers ces différents projets de recherche, Thales démontre sa capacité à innover en s’inspirant de la nature et en explorant des voies technologiques inédites. Des avancées qui pourraient bien révolutionner le monde de la défense dans les années à venir, et peut-être même trouver des applications civiles insoupçonnées.