Vendredi dernier, la France a échappé de peu à une dégradation de sa note de dette souveraine par l’agence de notation Moody’s. Dans un contexte de finances publiques dégradées, c’est un sursis bienvenu pour le pays, mais qui pourrait n’être que temporaire. En effet, Moody’s a maintenu la note Aa2 de la France, l’équivalent d’un 18/20, mais a fait passer sa perspective de stable à négative. Un signal d’alarme pour le gouvernement.
Une situation budgétaire préoccupante
Dans son communiqué, Moody’s a pointé du doigt la dérive des comptes publics français, estimant que la détérioration budgétaire “dépasse ses attentes et contraste avec celle des gouvernements de pays de notation similaire”. Une situation aggravée selon l’agence par un “environnement politique et institutionnel qui n’est pas propice à une coalition autour de mesures politiques susceptibles d’améliorer durablement le solde budgétaire”.
Le ministre de l’Économie et des Finances, Antoine Armand, a sobrement réagi en prenant “note” de la décision de Moody’s. Il a assuré que le gouvernement agirait “avec énergie pour le redressement de nos finances publiques”, comme il l’a déjà fait en matière “d’emploi ou d’attractivité économique”. Mais la tâche s’annonce ardue.
Un effort de 60 milliards d’euros envisagé pour 2025
Pour tenter de reprendre la main sur une dette publique colossale, le gouvernement envisage un effort de 60 milliards d’euros dans son projet de budget pour 2025. L’objectif : ramener le déficit public à 5% du PIB. Mais les débats s’annoncent houleux à l’Assemblée nationale, où le gouvernement ne dispose pas de majorité absolue.
L’opposition conteste déjà certaines mesures phares comme la suppression de niches fiscales ou la mise en place de nouvelles taxes. Des arbitrages douloureux sont à prévoir dans un contexte social et économique déjà tendu. Le ministre du Budget devra faire preuve de pédagogie et de fermeté pour faire passer ses réformes.
La pression des marchés et des agences de notation
Car les marchés financiers et les agences de notation seront très attentifs aux signaux envoyés par la France dans les prochains mois. Moody’s a déjà prévenu qu’elle pourrait abaisser la note française d’ici 6 mois si le gouvernement ne prenait pas les mesures adéquates.
De son côté, l’agence Fitch a placé mi-octobre la note française sous “perspective négative”, sans pour autant la dégrader à ce stade. Quant à Standard & Poor’s (S&P), elle a déjà abaissé en mai la note de la France de “AA” à “AA-“. Un nouveau coup dur n’est pas à exclure si la trajectoire budgétaire ne s’améliore pas.
Un compte à rebours enclenché pour redresser les comptes
Pour le gouvernement français, le compte à rebours est donc enclenché. Il va devoir convaincre qu’il est en mesure de reprendre le contrôle sur les finances publiques, malgré un contexte économique incertain marqué par l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et les tensions géopolitiques.
Il est plus que jamais crucial et urgent de mener les réformes structurelles qui permettront de réduire à terme notre dette publique et retrouver des marges de manœuvre budgétaires.
– Déclaration d’une source proche du ministère des Finances
Réformer les retraites, rationaliser la dépense publique, verdir l’économie, soutenir la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat… Le programme économique du quinquennat s’annonce chargé. Et les arbitrages budgétaires à venir seront suivis comme le lait sur le feu par les agences de notation.
La France joue gros. Une dégradation sèche de sa note par une ou plusieurs agences renchérirait fortement le coût de son endettement, compliquant encore la réduction des déficits. Ce scénario noir plomberait durablement la crédibilité financière du pays et sa capacité à peser en Europe et dans le monde. D’où l’importance de tenir le cap des réformes et de la rigueur budgétaire, en dépit des résistances politiques et sociales.
La France n’est pas seule dans la tourmente
Face à ce défi majeur, la France n’est pas la seule en Europe à naviguer en eaux troubles. L’Italie, l’Espagne, le Portugal ou encore la Belgique sont eux aussi sous la surveillance des agences de notation en raison de leurs déséquilibres budgétaires et de leur endettement élevé.
Le Covid a laissé des traces sur les finances publiques de nombreux États européens. La facture de la crise risque d’être salée et durable si des efforts ne sont pas entrepris sans attendre.
– Avertissement lancé par un expert des marchés obligataires
Au sein de la zone euro, seule une poignée de pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Autriche bénéficient encore de la note maximale AAA, synonyme de risque quasi-nul de défaut de paiement. Un club très fermé et envié, dont la France a été exclue il y a déjà plusieurs années.
Certains économistes s’interrogent d’ailleurs sur le bien-fondé et l’influence parfois excessive de ces agences de notation privées, dont les dégradations peuvent avoir des effets pro-cycliques et auto-réalisateurs en période de crise. Leurs méthodologies sont aussi parfois critiquées pour leur manque de transparence.
Mais en attendant une réforme hypothétique de leur fonctionnement et de leur régulation, ces “juges” de la qualité de crédit des États restent incontournables et redoutés. Leurs verdicts continueront de rythmer l’agenda économique de la France et d’influencer le coût de sa dette dans les années à venir.
L’avertissement sans frais de Moody’s est en tout cas un signal que le gouvernement serait bien avisé de prendre au sérieux. Car à force de voir sa note se dégrader, la signature de la France pourrait perdre de son lustre sur les marchés financiers, rendant plus difficile et coûteux le financement de son modèle social. Mais la France a aussi des atouts à faire valoir pour préserver son précieux “AA”.
- Une économie diversifiée et compétitive, classée 7e mondiale par le PIB
- Une place géopolitique et diplomatique de premier plan
- Des infrastructures et un capital humain de qualité
- Une épargne abondante pour financer les investissements d’avenir
Autant de points forts sur lesquels le pays peut s’appuyer pour convaincre qu’il mettra en oeuvre les réformes indispensables à la soutenabilité de sa dette et à la maîtrise de ses dépenses publiques sur le long terme. C’est tout l’enjeu des prochains mois pour le gouvernement d’Antoine Armand, qui joue son va-tout budgétaire.