C’est un séisme diplomatique qui ébranle actuellement les relations historiques entre le Brésil et le Venezuela. Le refus catégorique du Brésil de voir son voisin intégrer le groupe des Brics lors du dernier sommet à Kazan a provoqué l’ire de Caracas. Dans un communiqué au vitriol, le Venezuela a dénoncé une “agression” et un “geste hostile” de la part de son ancien allié. Comment en est-on arrivé à une telle crise entre ces deux géants sud-américains ?
Une escalade des tensions sur fond d’élections controversées
Tout commence avec la réélection très controversée de Nicolas Maduro à la présidence du Venezuela en juillet dernier. Alors qu’une dizaine de pays d’Amérique latine rejettent les résultats, le Brésil reste étonnamment en retrait, refusant de se prononcer. Pourtant, derrière les coulisses, Brasilia s’inquiète. Selon une source proche du dossier, le président brésilien Lula aurait obtenu de Maduro la promesse de publier les procès-verbaux détaillés du scrutin, pour faire taire les accusations de fraude brandies par l’opposition.
Mais à ce jour, le Conseil national électoral vénézuélien n’a toujours rien publié, invoquant un mystérieux piratage informatique. “L’abus de confiance est grave, on nous a dit une chose et elle n’a pas été faite. Le Venezuela a rompu la confiance”, s’indigne Celso Amorim, conseiller de Lula et ancien ministre des Affaires étrangères, dans une interview accordée à la presse brésilienne.
Des tensions qui rejaillissent au sommet des Brics
Cette crise de confiance a connu son point d’orgue lors du sommet des Brics à Kazan. Alors que le Venezuela fonde de grands espoirs sur son intégration dans ce club très sélect de puissances émergentes, c’est finalement le Brésil qui décide d’y mettre son veto. Un coup dur pour Caracas qui pensait pouvoir compter sur le soutien de Moscou. Vladimir Poutine, fidèle allié de Nicolas Maduro, avait même publiquement appelé à un règlement du différend.
Peine perdue. Le Brésil campe sur ses positions, provoquant l’ire du Venezuela qui dénonce dans un communiqué officiel une “agression”, un “geste hostile”, “inexplicable et immoral”. Le ton est donné. Et même si le texte épargne directement le président Lula, c’est bien une escalade verbale sans précédent à laquelle on assiste.
Le spectre d’une rupture totale plane sur les deux pays
Pourtant, Lula se voulait à son arrivée au pouvoir en 2023 l’artisan d’un réchauffement des relations avec le Venezuela, rompues sous la présidence de Jair Bolsonaro. La visite en grande pompe de Nicolas Maduro à Brasilia devait marquer une “nouvelle ère”. Mais l’entente cordiale n’aura été que de courte durée.
Il y a une distanciation. Le Venezuela accuse même le président Lula de répéter le comportement de l’ancien président Bolsonaro
– Luis Daniel Alvarez, professeur à l’Université centrale du Venezuela
Les divergences se sont encore creusées en septembre lorsque le Venezuela a révoqué l’autorisation donnée au Brésil de représenter les intérêts diplomatiques de l’Argentine à Caracas. Une décision qui avait suscité une vive réaction de Brasilia, rappelant “l’inviolabilité des installations de la mission diplomatique argentine”, alors cernée par la police vénézuélienne.
Aujourd’hui, c’est le spectre d’une rupture totale des relations diplomatiques qui plane sur les deux voisins sud-américains. “L’avenir de la relation est assez sombre”, prévient Mariano de Alba, expert en diplomatie. Si une telle issue reste peu probable au vu des intérêts mutuels, nul doute que cette crise aura laissé des traces durables. Et continuera de peser sur la géopolitique régionale dans les années à venir.