Entre bilan des dommages et quête vaine d’une connexion Internet, les habitants de Maputo, la capitale du Mozambique, ont connu un réveil difficile ce vendredi. Au lendemain de l’annonce de la victoire à la présidentielle de Daniel Chapo, candidat du parti au pouvoir, des manifestations de l’opposition ont éclaté dans le pays.
Sans surprise mais non sans contestation, les résultats des élections générales du 9 octobre, visant à désigner le président et le parlement, se sont révélés extrêmement favorables au Frelimo. Ce parti dirige le Mozambique, pays d’Afrique australe, depuis un demi-siècle. Le scrutin a été entaché d'”altérations injustifiées des résultats” selon les observateurs de l’Union européenne.
Manifestations sporadiques de l’opposition
Pour le deuxième jour consécutif, le principal opposant Venancio Mondlane a appelé à contester les résultats dans la rue. Des rassemblements sporadiques ont notamment eu lieu à Maputo vendredi. La journée a été marquée par une panne générale d’Internet chez les différents opérateurs mobiles, au moins dans la capitale, comme l’a constaté une équipe de l’AFP sur place. Les connexions à domicile fonctionnaient toutefois.
Nous pouvons confirmer une interruption quasi totale de la connexion Internet mobile au Mozambique. L’incident a commencé vers midi et se poursuit.
Netblocks, service de surveillance d’Internet
Selon Netblocks, l’ampleur de cette panne est “susceptible de limiter la couverture des événements sur le terrain”. Dans un de ses très nombreux lives sur les réseaux sociaux, le très connecté Venancio Mondlane, qui revendique la victoire à la présidentielle, avait enjoint toute la semaine ses jeunes partisans à se coordonner sur les applications de messagerie pour multiplier les lieux de manifestation.
Colère face aux résultats “volés”
Avec un certain succès jeudi : jusque tard dans la nuit, des centaines de partisans de l’opposition ont exprimé, parfois violemment, leur dégoût face à un scrutin “volé”, selon eux, par une commission électorale “corrompue”. Celle-ci a attribué près de 71% des voix à Daniel Chapo, qui succèdera en janvier au président sortant Filipe Nyusi.
Jeudi après-midi, la commission électorale n’avait pas terminé d’annoncer les résultats que des centaines de manifestants affluaient déjà dans le centre de la capitale. Ils ont mis le feu à des pneus et grimpé sur d’immenses panneaux publicitaires en faveur du Frelimo pour les saccager. Les forces anti-émeutes ont dispersé la foule par des tirs de gaz lacrymogène.
L’opposition “rejette absolument” les résultats
Venancio Mondlane, qui a officiellement récolté 20% des voix à la présidentielle, a réitéré jeudi soir ses accusations de fraude. “Nous rejetons absolument ces résultats”, a-t-il déclaré. “Ils ne reflètent pas la volonté du peuple”. Évitant les apparitions publiques depuis le meurtre de deux figures de l’opposition dont son avocat le week-end dernier, il avait appelé à “paralyser le pays” jeudi et vendredi.
Des incidents isolés ont eu lieu dans plusieurs villes, notamment à Nampula où une personne est morte dans des affrontements entre police et manifestants, selon la police. À Maputo, dans la foule des manifestants, le score jugé exagéré de 71% pour le parti au pouvoir laisse un goût amer.
Ce pays doit être dirigé par Venancio. Nous n’avons pas voté pour ces sangsues, nous n’avons pas voté pour cet homme, Daniel Chapo, nous sommes fatigués de tout ça.
Un manifestant à Maputo
Scrutin entaché d’irrégularités préoccupantes
De nombreux observateurs ont déploré de préoccupantes irrégularités dans le processus électoral et des fraudes parfois “grossières”, selon l’Église catholique. La mission de l’Union européenne a relevé un “net favoritisme” pour le Frelimo pendant la campagne puis constaté que sur un tiers des dépouillements observés, les chiffres “ne concord(ai)ent pas”.
D’emblée, le nombre d’inscrits annoncé posait problème : plus de 17 millions pour une population totale de 33 millions d’habitants, dont l’âge médian est de 17 ans. Au Mozambique, pour ce scrutin, 104% de la population adulte en âge de voter était ainsi inscrite sur les listes électorales, avait souligné l’UE, un chiffre aberrant qui alimentait les soupçons de fraude.
Alors que la contestation se poursuit dans les rues et que l’accès à Internet reste perturbé, le pays semble s’enfoncer dans une crise politique post-électorale dont l’issue apparaît encore incertaine. L’opposition, menée par Venancio Mondlane, ne semble pas prête à accepter les résultats officiels. Le Mozambique retient son souffle dans l’attente des prochains développements.