Une tragédie a frappé le monde des médias au Liban. Dans la nuit de vendredi, une frappe israélienne sur la petite ville de Hasbaya, dans le sud du pays, a tué dans leur sommeil trois journalistes qui couvraient la guerre faisant rage depuis un mois entre le Hezbollah libanais et Israël. Un drame qui soulève l’indignation et ravive les tensions dans la région.
Le refuge devenu piège mortel
Hasbaya, paisible bourgade à une cinquantaine de kilomètres au sud de Beyrouth, était considérée comme un havre relativement sûr pour les reporters cherchant un peu de répit loin des bastions du Hezbollah, cible principale des bombardements. Plusieurs équipes de télévisions libanaises et arabes y avaient établi leurs quartiers pour la nuit, pensant échapper aux frappes.
Mais peu avant l’aube, vers 03h30, le sifflement d’un missile a réveillé les journalistes dans la panique. Leur complexe hôtelier composé de petits bungalows s’est retrouvé la proie des flammes, envahi par une épaisse fumée et des cris. Une frappe israélienne venait de s’abattre, faisant plusieurs victimes dans les rangs de la presse.
Les victimes, des visages connus
Parmi les journalistes tués dans leur sommeil figurent des noms bien connus du paysage médiatique libanais et arabe :
- Ghassan Najjar, caméraman, et Mohammed Reda, technicien, tous deux employés de la chaîne d’information pro-Iran Al-Mayadeen basée à Beyrouth.
- Wissam Qassem, journaliste de la télévision du Hezbollah al-Manar.
D’autres équipes de médias comme Al-Qahira, Al-Jazeera ou Sky News Arabia étaient également présentes mais ont pu échapper au pire, retrouvant leurs bungalows soufflés et envahis par les décombres.
Une “attaque délibérée” contre la presse
Cet événement tragique a immédiatement été qualifié d’attaque “délibérée” contre des journalistes endormis par le Premier ministre libanais Najib Mikati. Son ministre de l’Information Ziad Makari est allé plus loin en dénonçant un “crime de guerre”, rappelant que les reporters n’étaient pas équipés de leurs gilets pare-balles ou casques.
Muhammad Farhat, un correspondant ayant survécu à la frappe, témoigne avec émotion face caméra, le visage maculé de poussière grise :
“L’ennemi israélien traque à nouveau la presse, même dans une zone qui était considérée comme plutôt éloignée. Voici tout ce qui reste de ma chambre et de mon lit.”
Face à l’ampleur du drame, une autre rescapée exhibe son gilet de presse arraché et interpelle, en colère :
“Je ne sais pas pourquoi on porte ces vestes et ces casques si l’occupation n’y prête aucune attention. Qu’avons-nous fait ? Nous avons signalé leurs crimes dans le sud du Liban ?”
Déjà plusieurs journalistes ciblés
Les frappes israéliennes ont déjà coûté la vie à plusieurs reporters depuis le début de ce nouveau conflit il y a un mois. Le 13 octobre 2023, un vidéaste de Reuters avait été tué et 6 autres journalistes blessés dont deux de l’AFP. Des enquêtes indépendantes avaient alors conclu à l’utilisation d’un obus de char israélien.
Quelques semaines plus tôt, le 21 novembre 2023, 3 membres de l’équipe d’Al-Mayadeen, dont deux journalistes, étaient tombés sous les bombes dans la même région. Au total, au moins 5 professionnels des médias locaux auraient perdu la vie dans les bombardements sur le sud du Liban et la banlieue de Beyrouth selon des ONG de défense des droits des journalistes.
Nouvelles tensions et sécurité des reporters en question
Ce nouvel événement sanglant ne manquera pas de raviver les tensions déjà vives dans la région. Le message envoyé par Israël semble clair selon les journalistes rescapés de Hasbaya : pas de témoins gênants, même endormis, pour raconter ce qui se passe sur le terrain.
Plus largement, cette attaque mortelle soulève une fois de plus la question épineuse de la sécurité et de la protection des reporters en zone de conflit. Comment assurer l’intégrité physique de ceux dont la mission est d’informer au péril de leur vie ? Un défi malheureusement persistant qui endeuille régulièrement la profession.