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Tensions au sommet : la coalition allemande vacille sur le budget

Impasse budgétaire en Allemagne : la coalition au bord de l'implosion. Les partis se déchirent sur fond de récession, à moins d'un an des législatives. Un automne périlleux s'annonce pour Olaf Scholz et son gouvernement, plus divisé que jamais...

En cette fin d’année 2024, le gouvernement allemand traverse une zone de fortes turbulences. Au cœur de la tempête : les âpres négociations sur le budget fédéral qui doivent s’achever en novembre. Un exercice particulièrement périlleux qui cristallise les profondes divisions au sein de la coalition d’Olaf Scholz, déjà fragilisée à moins d’un an des prochaines élections législatives.

Arrivés aux manettes fin 2021, les trois partis qui composent l’alliance gouvernementale – le SPD, les Verts et le FDP – peinent aujourd’hui à s’entendre sur la marche à suivre pour redresser une économie allemande mal en point, menacée d’une nouvelle récession pour la deuxième année consécutive. Un constat d’autant plus préoccupant que les sondages sont au plus bas pour les trois formations.

Une coalition à bout de souffle et profondément divisée

Selon Yann Wernert, politologue au Centre Jacques Delors à Berlin, la perspective des élections fédérales de l’an prochain complique singulièrement la donne et exacerbe les divergences :

C’est le dernier budget que ces partis bouclent ensemble et ils sont encore moins enclins au compromis. En cela, il y a un certain parallèle avec la France où le socle commun ne devrait pas durer trop longtemps. Là aussi, faire des sacrifices semble compliqué car on va se retrouver très rapidement devant les urnes et s’expliquer devant son électorat.

Yann Wernert, politologue

Le dernier sondage Politbarometer est sans appel : si des élections anticipées avaient lieu aujourd’hui, les trois partis de la coalition ne rassembleraient que 30% des voix. Dans le même temps, l’opposition conservatrice CDU/CSU caracole en tête avec 31% d’intentions de vote, lui permettant d’envisager sérieusement un retour aux affaires.

Des lignes rouges difficilement conciliables

Chaque parti campe sur ses positions, avec des lignes rouges difficilement compatibles :

  • Les sociaux-démocrates du chancelier Scholz refusent tout recul sur les sujets sociaux.
  • Les Verts du vice-chancelier Robert Habeck luttent pour préserver leur agenda écologique et climatique.
  • Les Libéraux du FDP prônent un retour à la rigueur budgétaire et au “frein à la dette” constitutionnel.

Le ministre des Finances Christian Lindner (FDP) a ainsi répété jeudi son attachement à la règle limitant le déficit public à 0,35% du PIB, suspendue pendant la crise du Covid puis la guerre en Ukraine, mais désormais rétablie. Une position ferme qui heurte frontalement ses partenaires, partisans eux de dépenses supplémentaires pour doper l’activité.

Un chancelier sous pression, contraint de jouer les équilibristes

Conscient des profondes divergences qui minent sa coalition, Olaf Scholz a dû reconnaître jeudi soir sur la chaîne ZDF que son gouvernement traversait une passe difficile :

C’est parfois très dur de supporter toutes les disputes et de faire en sorte que de bons résultats en sortent. Faire travailler ensemble trois partis défendant des lignes souvent très éloignées est logiquement difficile, je ne veux pas en faire mystère.

Olaf Scholz, chancelier allemand

Signe supplémentaire de ces tensions croissantes : les initiatives lancées en ordre dispersé par chacun des ténors de la coalition, tous pressentis pour conduire leur parti aux prochaines élections. Robert Habeck (Verts) a proposé une série de primes publiques à l’investissement pour les entreprises, tandis qu’Olaf Scholz invitait un “petit cercle” de patrons et syndicalistes à une “discussion confidentielle”. Des propositions qui ont heurté Christian Lindner (FDP), furieux de ne pas en avoir été informé au préalable.

Un automne périlleux s’annonce à Berlin

À l’heure où les premières feuilles tombent sur la capitale allemande, c’est donc un automne particulièrement agité qui s’annonce sur la scène politique. Les tractations budgétaires ont déjà failli faire tomber le gouvernement en juillet dernier, avant qu’un compromis in extremis ne soit trouvé. Mais cette fois, dans un contexte électoral de plus en plus prégnant, les marges de manœuvre semblent réduites à peau de chagrin. La coalition parviendra-t-elle à surmonter ses différends et à boucler un budget ? L’avenir du gouvernement Scholz et de l’Allemagne en dépend largement. Réponse d’ici novembre.

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