C’est une affaire qui suscite une vive émotion et l’indignation au Cameroun. Mercredi, une vidéo présentant des scènes de torture infligées à un artiste musicien est devenue virale sur les réseaux sociaux. La victime, identifiée comme étant le chanteur populaire Longuè Longuè, y apparaît en sous-vêtements, immobilisée et rouée de coups par des individus.
Face à l’ampleur du scandale provoqué par la diffusion des images violentes, les autorités camerounaises ont rapidement réagi. Le ministère de la Défense a annoncé jeudi l’ouverture d’une enquête, confiée à ses services spécialisés. Selon la victime, ces actes de torture auraient été commis par des éléments de l’antenne sécurité militaire du Littoral.
Une vidéo datant de 2019 fait resurgir de graves accusations
D’une durée de près de cinq minutes, la vidéo incriminée daterait en réalité de 2019. Mais sa récente diffusion a remis sur le devant de la scène la question sensible des violences et abus commis par les forces de l’ordre. Peu après sa publication, une liste de 13 noms, présentés comme étant ceux des tortionnaires présumés, tous membres des forces de sécurité, a également fuité et largement circulé.
Contacté, Longuè Longuè s’est cependant refusé à tout commentaire et n’a pas authentifié ces images choquantes le mettant en scène. Mais les réactions outrées n’ont pas tardé, aussi bien dans le public que dans la sphère politique.
L’opposition monte au créneau et dénonce un système de répression
Maurice Kamto, leader du MRC, principal parti d’opposition, a vivement dénoncé cette affaire. Il a rappelé que ces images de torture dans ce qui semble être les locaux d’un service de sécurité de l’État ne sont pas sans évoquer « le sort horrible fait à grande échelle aux militants » de sa formation politique.
Dans un communiqué, le parti de Cabral Libii, autre figure de proue de l’opposition, a lui aussi condamné « l’inhumanité manifeste des personnes qui incarnent l’autorité publique ». Il a exhorté le gouvernement à s’expliquer rapidement sur cette affaire symbolisant les dérives du régime.
Le gouvernement promet d’établir les responsabilités
Face à la pression, le ministère de la Défense assure que « les responsabilités seront établies et les conséquences tirées en fonction des résultats de l’enquête ». Mais au-delà de ce cas individuel, c’est bien le système sécuritaire dans son ensemble qui est pointé du doigt.
Les appels à une profonde réforme, pour mettre fin à l’impunité et aux exactions, se multiplient. Car le cas du chanteur Longuè Longuè est loin d’être isolé. Les témoignages et accusations de violations des droits humains visant les forces de l’ordre sont récurrents dans le pays.
Un chanteur engagé, critique du pouvoir
Longuè Longuè est un chanteur de makossa, genre musical populaire originaire du Cameroun, connu pour son engagement. À travers ses textes, il n’hésite pas à critiquer la gouvernance du président Paul Biya, au pouvoir depuis près de 40 ans. Une prise de position courageuse mais risquée dans un pays où la répression de toute voix dissidente est monnaie courante.
Malgré les menaces, l’artiste a toujours refusé de se taire. Ce qui lui a valu, par le passé, d’être inquiété à plusieurs reprises. Mais cette vidéo de torture constitue un nouveau cap dans l’acharnement dont il semble être victime.
Au-delà d’un cas individuel, l’impérieuse nécessité de réformes
Le sort de Longuè Longuè est devenu le symbole des dérives d’un appareil sécuritaire qui semble tout-puissant et agir en toute impunité. Les images insoutenables de cet artiste supplicié ont profondément choqué et meurtri l’opinion.
Elles sont le douloureux rappel qu’au Cameroun, exprimer des opinions critiques du pouvoir en place peut conduire à subir les pires sévices. Et que les bourreaux, protégés par un système défaillant, bénéficient bien trop souvent d’une inquiétante impunité.
Au-delà du cas du chanteur Longuè Longuè, c’est toute la question du respect des droits fondamentaux et d’un nécessaire contrôle des forces de sécurité qui est aujourd’hui posée avec une acuité renouvelée au Cameroun. Une affaire symptomatique des réformes qui restent impératives pour transformer un appareil sécuritaire qui semble avoir perdu tout sens de sa mission. Celle de protéger la population, dans le strict respect des lois et de la dignité humaine.