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Le Late-Night Américain en Péril : Une Institution Fragilisée

Les légendaires "late night" américains sont en crise. Plongée dans les coulisses d'une institution fragilisée, entre nostalgie et remise en question. Réinvention ou extinction, quel avenir pour ces talk-shows de fin de soirée ?

Institution incontournable du paysage audiovisuel américain, le talk-show de fin de soirée, plus connu sous le nom de “late night”, traverse une crise sans précédent. Longtemps considéré comme un passage obligé pour les stars du show business et un rendez-vous immanquable pour des millions de téléspectateurs, ce format emblématique voit ses audiences et ses recettes publicitaires chuter inexorablement. Face à ces défis, le “late night” doit se réinventer pour espérer survivre dans un environnement médiatique en pleine mutation.

Un modèle à bout de souffle

Les chiffres sont alarmants : même les programmes les plus populaires, comme “The Late Show with Stephen Colbert”, ont vu leur audience fondre de près d’un tiers en seulement cinq ans. Pire encore, les revenus publicitaires se sont effondrés, avec une baisse de 10% sur les huit premiers mois de 2024 selon une étude du cabinet Guideline. Autrefois véritable poule aux œufs d’or grâce à des coûts de production limités et des tunnels de publicité, le “late night” peine aujourd’hui à attirer les annonceurs.

Face à cette hémorragie, les chaînes tentent de réduire la voilure. NBC est ainsi passée de cinq à quatre épisodes hebdomadaires pour son émission phare “The Tonight Show”, tandis que plusieurs animateurs de renom comme Conan O’Brien et James Corden ont récemment jeté l’éponge. CBS et ABC en ont profité pour supprimer purement et simplement certains programmes de leur grille.

Un format qui a fait son temps ?

Si le “late night” a su, un temps, surfer sur la vague des réseaux sociaux en postant des séquences devenues virales sur YouTube, à l’image du succès planétaire du “Carpool Karaoke” de James Corden, cette stratégie semble aujourd’hui montrer ses limites. Les revenus générés par les plateformes de partage de vidéos restent marginaux, les annonceurs préférant miser sur des contenus plus pérennes comme les séries et les films, qui trouvent un second souffle sur les services de streaming.

Pour beaucoup d’observateurs, le format même du “late night”, qui n’a quasiment pas évolué depuis ses débuts dans les années 1950, serait aujourd’hui dépassé. Avec ses animateurs vieillissants, ses interviews minutieusement préparées et son ton résolument “mainstream”, le genre peinerait à séduire les jeunes générations, habituées à des contenus plus spontanés et décalés.

La concurrence des podcasts

Signe des temps, les podcasts filmés diffusés sur YouTube ou Spotify représentent une menace de plus en plus sérieuse pour le “late night”. Des talk-shows audio comme “The Joe Rogan Experience”, dont certains épisodes dépassent les trois heures, rassemblent des millions d’internautes en misant sur la spontanéité et l’improvisation. Un contraste saisissant avec les émissions télé ultra-formatées.

Même les interviews des invités sont très soigneusement préparées à l’avance, en partie par peur que les téléspectateurs ne s’ennuient et aillent voir ailleurs.

– Mitch Semel, ancien producteur de talk-shows

Face à ces nouveaux usages, le “late night” semble peiner à se renouveler. Si quelques timides expérimentations ont été tentées par les plateformes de streaming, comme “Patriot Act” sur Netflix ou “Influenced” sur Amazon Prime, elles restent marginales et ne remettent pas fondamentalement en cause les codes du genre.

Vers une disparition progressive ?

À l’heure où les grandes chaînes généralisent sont confrontées à une baisse inexorable de leurs audiences linéaires, la question de l’avenir du “late night” se pose avec une acuité renouvelée. Si certains estiment que le genre est condamné à disparaître à plus ou moins brève échéance, d’autres veulent croire en sa capacité à se réinventer en profondeur pour s’adapter aux nouvelles attentes des téléspectateurs.

Le format a besoin d’une mise à jour car il n’a quasiment pas évolué depuis ses débuts en 1954. Aujourd’hui, les gens aiment jouer avec les codes, surprendre leur audience.

– Bill Carter, auteur de plusieurs ouvrages sur le “late night”

Une chose est sûre : pour espérer perdurer, le “late night” devra faire preuve d’audace et d’inventivité, en osant bousculer ses propres conventions. À défaut, c’est toute une page de l’histoire de la télévision américaine qui pourrait bientôt se tourner définitivement. L’avenir nous dira si cette institution saura se réinventer pour séduire les nouvelles générations, ou si elle est irrémédiablement vouée à rejoindre les archives cathodiques.

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