C’est un projet qui divise depuis des mois. Et malgré une forte opposition, il a fini par voir le jour. La statue en hommage au Général Marcel Bigeard, figure emblématique mais controversée des guerres coloniales, a été inaugurée ce samedi à Toul, dans la Meurthe-et-Moselle. Une installation qui s’est déroulée sous haute tension, en présence de partisans venus rendre hommage au “premier para de France”, mais aussi de manifestants remontés et déterminés à faire entendre leur voix.
Une statue qui ravive les plaies du passé colonial
Porté par la fondation Général Marcel Bigeard, ce projet d’ériger une statue de 3 mètres de haut à l’effigie de celui qui fut secrétaire d’État à la Défense de Valéry Giscard d’Estaing de 1975 à 1976, ne fait pas l’unanimité, loin s’en faut. Pour ses détracteurs, majoritairement issus des rangs de l’extrême-gauche, mais aussi des associations anticolonialistes et de défense des droits de l’Homme, cet hommage est une provocation et une insulte à la mémoire des victimes. Ils accusent le Général Bigeard d’avoir pratiqué la torture durant la Guerre d’Indochine et la Guerre d’Algérie, ce que l’intéressé a toujours nié.
Il ne peut y avoir d’hommage public à un général qui a théorisé la torture pendant la Guerre d’Algérie.
Une source proche du collectif “Histoire et Mémoire dans le respect des droits humains”.
Face à cette levée de boucliers, la municipalité de Toul assure avoir pris toutes les précautions, insistant sur la volonté de rendre hommage au soldat et non à l’homme politique. “Nous voulons célébrer les actes de bravoure du para, pas entrer dans les polémiques. Son passé en Indochine et en Algérie n’est pas le sujet”, martèle un élu sous couvert d’anonymat.
Une inauguration sous tension
Mais les opposants n’entendent pas en rester là. Dès l’annonce de la date d’inauguration, ils ont appelé à manifester pour empêcher ce qu’ils considèrent comme une “réhabilitation d’un tortionnaire”. “Bigeard à Toul, pas en notre nom !”, “Non à la statue de la honte !”, pouvait-on lire sur les pancartes brandies par les manifestants ce samedi, tenus à distance par un important dispositif policier.
En face, les partisans du général, souvent d’anciens combattants venus en uniforme, ont répondu “Honneur et Fidélité”, la devise des troupes aéroportées. “Le général Bigeard est un héros de la France, qui s’est toujours battu pour son pays. Lui refuser un hommage à cause d’accusations jamais prouvées, c’est indigne”, s’emporte l’un d’eux.
Le débat est loin d’être clos
Si la statue trône désormais fièrement sur l’esplanade qui porte le nom de Marcel Bigeard depuis 2012, la polémique, elle, est loin d’être terminée. Les associations ont d’ores et déjà annoncé leur intention de poursuivre le combat, sur le terrain judiciaire cette fois, pour obtenir le retrait de la statue. Un recours devant le tribunal administratif pourrait être déposé dans les prochains jours.
De son côté, la fondation Général Marcel Bigeard compte bien “continuer à honorer la mémoire de ce grand soldat” et prévoit déjà de nouveaux hommages dans d’autres villes de France. De quoi présager de nouvelles passes d’armes mémorielles dans les mois à venir autour de ce personnage qui, plus de 10 ans après sa mort, continue de diviser. Comme si, à travers les controverses autour du général Bigeard, c’était une partie de l’Histoire de France et de ses zones d’ombre qui se rejouait.
Tant que la France n’aura pas fait la lumière sur les pages sombres de son histoire coloniale, les fantômes continueront de resurgir et de diviser.
Analyse un historien spécialiste de la période.
L’inauguration de la statue du général Bigeard à Toul est donc loin d’avoir mis un point final à la controverse. Elle a au contraire ravivé un débat douloureux et plus que jamais d’actualité sur la mémoire des guerres coloniales et le rôle trouble de certains de ses acteurs. Un débat dans lequel la France peine toujours à affronter avec sérénité son passé.