Alors que la réouverture tant attendue de la cathédrale Notre-Dame de Paris se profile, une idée fait polémique au sein du gouvernement français. Certains ministres envisagent en effet de faire payer l’entrée de l’édifice aux touristes afin de financer un vaste plan de sauvegarde du patrimoine religieux dans tout le pays. Un sujet sensible qui ravive le débat sur la séparation de l’Église et de l’État.
Selon une source proche du dossier, une entrée payante à 5€ par visiteur permettrait de récolter pas moins de 75 millions d’euros chaque année. Un véritable pactole qui servirait à restaurer de nombreuses églises françaises en péril. D’après ses partisans, Notre-Dame deviendrait ainsi le symbole du sauvetage du patrimoine religieux national.
Un sujet clivant qui divise
Si l’idée séduit certains membres du gouvernement, à l’instar du ministre de l’Intérieur et des Cultes Bruno Retailleau, fervent défenseur d’une participation financière des touristes, elle est loin de faire l’unanimité. La loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État interdit en effet toute taxe sur l’entrée des lieux de culte, un principe auquel l’Église reste très attachée.
Pour Didier Rykner, spécialiste du patrimoine, changer cette loi paraît peu probable tant le sujet est épineux. Il rappelle que l’Église s’est toujours opposée à une entrée payante, jugeant qu’un édifice religieux doit rester accessible à tous gratuitement. Un avis que ne partage pas Stéphane Bern, animateur et défenseur du patrimoine, pour qui une contribution même symbolique se justifie.
Des pistes alternatives pour financer la restauration
Face à la polémique, certains avancent d’autres solutions pour récolter les fonds nécessaires à l’entretien des monuments religieux. Didier Rykner propose ainsi de taxer davantage les jeux et paris ou encore d’augmenter la taxe de séjour. Des mesures qui permettraient selon lui de dégager jusqu’à 500 millions d’euros par an sans faire payer l’entrée des églises.
Une église est un lieu qui doit rester ouvert à tous et les œuvres d’art doivent rester accessibles.
Didier Rykner, spécialiste du patrimoine
La ministre de la Culture Rima Abdul-Malak a quant à elle suggéré de faire payer davantage les visiteurs hors Union Européenne dans les musées afin de financer la rénovation du patrimoine. Une piste qui ne fait pas non plus l’unanimité, certains y voyant une forme de discrimination.
5000 édifices religieux menacés en France
Pourtant, l’urgence est là. Environ 5000 lieux de culte sur les 50000 recensés en France nécessitent des travaux de restauration rapides. Pour répondre à ce défi, le président Emmanuel Macron a lancé en septembre 2023 une souscription nationale visant à récolter 200 millions d’euros en 4 ans. Mais cela suffira-t-il ?
Le débat sur l’entrée payante à Notre-Dame est loin d’être clos. Si ses partisans y voient un moyen efficace de sauver un patrimoine en péril, ses détracteurs craignent une remise en cause de principes républicains fondamentaux. Un casse-tête pour le gouvernement qui devra trancher en tentant de ménager toutes les sensibilités sur ce sujet brûlant.
Notre-Dame, symbole d’un patrimoine en souffrance
Près de quatre ans après l’incendie spectaculaire qui a ravagé sa charpente et fait s’effondrer sa flèche, la cathédrale gothique doit rouvrir ses portes le 7 décembre prochain. Les travaux titanesques, intégralement financés par des dons, auront coûté pas moins de 846 millions d’euros.
Mais Notre-Dame n’est que la partie émergée de l’iceberg. Partout en France, des milliers d’édifices religieux attendent désespérément d’être sauvés. Églises romanes, gothiques ou baroques, chapelles, couvents…autant de trésors en danger qui font la richesse de notre patrimoine.
Notre-Dame de Paris pourrait devenir le symbole magnifique de la sauvegarde de toutes les églises de France.
Rachida Dati, ancienne ministre
Alors, faut-il sacrifier la gratuité pour sauver ce patrimoine exceptionnel ? Changer la loi au risque de bousculer plus d’un siècle de tradition républicaine ? Ou trouver d’autres solutions pour financer l’immense chantier qui attend la France et préserver ce legs inestimable pour les générations futures ? Le débat est ouvert et les enjeux sont de taille.
Une chose est sûre : la décision qui sera prise pour Notre-Dame aura valeur de test et fera date. Car au-delà de la question du financement, c’est notre rapport au patrimoine religieux, à son accessibilité et à sa transmission qui se joue. Un défi passionnant et complexe qui ne manquera pas de diviser encore.