C’est un incident pour le moins incongru en pleine escalade des tensions entre les deux Corées. Selon des sources officielles à Séoul, un ballon en provenance du Nord transportant des déchets a atterri jeudi matin dans l’enceinte du complexe présidentiel sud-coréen, en plein cœur de la capitale. Si son contenu “ne présentait aucun risque”, selon les autorités, il n’en demeure pas moins que l’événement porte un nouveau coup aux relations déjà exécrables entre les deux frères ennemis.
La guerre des ballons fait rage
L’envoi de ballons de propagande d’une Corée à l’autre n’est pas nouveau. Depuis des années, des militants anti-Pyongyang lâchent régulièrement vers le Nord des ballons transportant des tracts hostiles au régime, de l’argent ou des clés USB contenant des informations sur le monde extérieur. Une pratique qui irrite au plus haut point le leadership nord-coréen.
Mais ces derniers mois, le Nord a décidé de répliquer en expédiant ses propres “ballons poubelles” bourrés d’ordures vers le Sud. Pyongyang affirme qu’il s’agit d’une réponse à la propagande du Sud et aux exercices militaires conjoints menés par Séoul et Washington, perçus comme une menace existentielle. Depuis mai, ces engins malodorants pleuvent régulièrement sur le territoire sud-coréen.
Des photos dénigrantes du président sud-coréen
Le ballon tombé ce jeudi dans les jardins de la “Maison bleue”, la résidence officielle et le bureau du président sud-coréen Yoon Suk-yeol, marque cependant une nouvelle étape. D’après le Chosun Daily, un journal sud-coréen, il contenait des tracts ridiculisant le chef de l’État et sa femme, avec des commentaires du type “Heureusement que le président Yoon et sa femme n’ont pas d’enfants”. On pouvait aussi y voir des photos du couple présidentiel avec la légende “La Corée du Sud est le royaume de Mme Yoon”.
Faire de la première dame Yoon une reine puissante, c’est une manière de dépeindre son mari comme un pantin manipulé en coulisses par sa femme.
– Un analyste cité par le Chosun Daily
L’intrusion d’un ballon nord-coréen dans une zone d’exclusion aérienne ultra-sécurisée comme le périmètre présidentiel soulève par ailleurs de sérieuses questions sur la sécurité. Le même incident s’était déjà produit en juillet dernier.
Kim Yo-jong tire à boulets rouges sur Séoul
L'”attaque” survient quelques jours seulement après une charge virulente de Kim Yo-jong, l’influente sœur du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, contre la Corée du Sud. Elle a accusé des militants sud-coréens de continuer à envoyer des “ordures” anti-Pyongyang vers le Nord.
Les autorités sud-coréennes n’ont pas encore réagi officiellement à ce nouvel incident. Mais dans un contexte de tensions exacerbées dans la péninsule, alors que le Nord multiplie les essais de missiles et menace d’utiliser l’arme nucléaire, ce type de provocation ne fait qu’aggraver la situation. Les relations intercoréennes n’ont jamais été aussi mauvaises depuis des années.
La Corée du Sud sous pression
Depuis l’arrivée au pouvoir en mai 2022 du président conservateur Yoon Suk-yeol, partisan d’une ligne dure face au Nord, Séoul a repris les exercices militaires de grande ampleur avec les États-Unis, son allié. Une posture martiale qui ulcère Pyongyang.
La Corée du Sud se retrouve plus que jamais sous pression, prise en étau entre la menace nord-coréenne et la nécessité de ne pas trop envenimer la situation. L’incident du ballon rappelle cruellement la précarité de la paix dans une des zones les plus militarisées au monde.
Un conflit sans fin ?
Près de 70 ans après l’armistice de la guerre de Corée (1950-1953), la division de la péninsule semble plus que jamais figée dans le marbre. Le moindre incident, aussi incongru soit-il comme ce ballon poubelle, peut dégénérer à tout moment en affrontement.
Malgré des périodes d’accalmie et de timides gestes d’ouverture par le passé, force est de constater que la méfiance et l’hostilité restent la norme entre le Nord et le Sud. Et rien n’indique que cette situation puisse changer à court ou moyen terme, en l’absence de progrès sur la question nucléaire notamment.
La “guerre des ballons” illustre tristement ce statu quo glacial qui perdure sur la péninsule coréenne. Un conflit de basse intensité permanent, ponctué de provocations en tous genres, sans vainqueur ni fin en vue. Et avec toujours le risque qu’une étincelle ne mette le feu aux poudres dans une des régions les plus dangereuses de la planète.
