À l’approche de l’élection présidentielle américaine de novembre 2024, qui oppose la vice-présidente démocrate Kamala Harris à l’ex-président républicain Donald Trump, une question est sur toutes les lèvres : quelles seront les conséquences pour les relations sino-américaines ? Si l’issue du scrutin reste incertaine, une chose semble acquise selon les analystes : quel que soit le vainqueur, la Chine devrait rester dans le viseur de Washington, avec à la clé davantage de droits de douane, de tensions commerciales et une guerre économique qui ne montre aucun signe d’apaisement.
Consensus anti-chinois dans la classe politique US
En effet, démocrates comme républicains ont durci le ton vis-à-vis de Pékin ces dernières années. Surfant sur un sentiment anti-chinois de plus en plus prégnant au sein de la classe politique américaine, les deux candidats ont promis de muscler leur politique à l’égard de la deuxième puissance économique mondiale, présentée comme un « adversaire stratégique ».
Pour eux, l’objectif est clair : faire en sorte que l’Amérique « gagne » ce qu’ils considèrent comme une compétition entre grandes puissances pour la domination économique et technologique mondiale au XXIe siècle. Comme le résume un expert du CSIS, un think tank américain : « une administration Harris emploierait un scalpel, une administration Trump un marteau » dans sa politique chinoise.
Trump, l’homme de la guerre commerciale
Donald Trump, qui a construit sa popularité sur un discours dénonçant les pays étrangers qui profiteraient des États-Unis, avait déclenché durant son mandat (2017-2021) une virulente guerre commerciale avec la Chine. Son administration avait imposé des droits de douane massifs sur les produits chinois, officiellement pour lutter contre le vol de technologies américaines ou la manipulation de la monnaie chinoise.
S’il était réélu, l’ex-président souhaite aller encore plus loin, en instaurant des taxes de 10 à 20% sur l’ensemble des importations, et jusqu’à 60% sur les produits made in China ! Une telle politique protectionniste « pourrait réduire le commerce sino-américain de 70% et entraîner la disparition de centaines de milliards de dollars d’échanges », selon un économiste d’Oxford Economics.
Harris, sur une ligne dure également
De son côté, si Kamala Harris venait à s’installer à la Maison Blanche, un changement de style plus qu’un changement de fond serait à attendre sur le dossier chinois. La candidate démocrate promet elle aussi de « s’opposer aux pratiques commerciales déloyales » de Pékin et de faire en sorte que « ce soit l’Amérique, et non la Chine, qui remporte la compétition pour le XXIe siècle ».
Concrètement, cela pourrait se traduire par une « approche plus stratégique et sélective » en matière de droits de douane selon une experte, mais le cap anti-Pékin serait maintenu. Un politologue chinois prédit même une « détérioration des relations » si Harris l’emporte, estimant qu’elle est « davantage désireuse de préserver la domination américaine que Trump ».
Une nouvelle Guerre froide en vue ?
Ainsi, que ce soit avec un « scalpel » démocrate ou un « marteau » républicain, la Chine a peu de chances d’échapper à de nouvelles salves protectionnistes après l’élection américaine. Un durcissement qui pourrait dégénérer en une sorte de nouvelle Guerre froide économique entre les deux superpuissances.
Pékin a beau marteler son opposition à « être désigné comme un adversaire » et appeler au dialogue, le fossé ne cesse de se creuser avec Washington. Les récentes taxes imposées sur les véhicules électriques ou les panneaux solaires chinois en sont le dernier exemple en date. Dans ce contexte de tensions, certains évoquent même un risque de « découplage » entre les deux économies.
Les États-Unis étaient autrefois les champions du libre-échange mais l’ont jeté à la poubelle.
Wang Dong, professeur à l’Université de Pékin
Face à cela, la Chine semble se résigner à un avenir de frictions permanentes avec son rival américain. Comme le déplore un universitaire pékinois : « Les États-Unis étaient autrefois les champions du libre-échange mais l’ont jeté à la poubelle ». Signe d’une époque révolue, où la coopération primait sur la confrontation.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle ère géopolitique et géoéconomique qui s’ouvre, où Chine et États-Unis se livrent une compétition acharnée. Et quel que soit le locataire de la Maison Blanche en 2024, Pékin sait d’ores et déjà qu’il devra composer avec un Washington déterminé à contrer son ascension, quitte à malmener les règles du commerce international. L’élection ne fera que déterminer l’arme de prédilection – scalpel ou marteau – pour mener cette guerre commerciale qui s’annonce durable.