Le débat sur l’extension de l’utilisation des titres-restaurant s’enflamme. Mercredi soir, la secrétaire d’État à la Consommation Laurence Garnier a annoncé que le gouvernement était “favorable” à la prolongation de cette mesure en 2025. Une prise de position qui ravit les consommateurs mais ulcère les restaurateurs.
Une mesure plébiscitée par les usagers
Depuis 2022, les Français peuvent utiliser leurs titres-restaurant pour acheter directement des produits alimentaires non préparés en grandes surfaces. Une dérogation qui devait être temporaire mais qui pourrait bien être reconduite l’année prochaine. “Le gouvernement est favorable à prolonger cette dérogation”, a en effet déclaré Laurence Garnier au Parisien.
Une excellente nouvelle pour le pouvoir d’achat des ménages. Avec l’inflation persistante, beaucoup voient dans cette extension des titres-restaurant une bouffée d’oxygène bienvenue pour leurs courses alimentaires. La ministre souligne d’ailleurs que même si l’inflation ralentit, il faut “continuer à accompagner les Français”.
Un “scandale” pour les restaurateurs
Côté restaurateurs en revanche, c’est un tollé. Thierry Marx, président de l’Umih, la principale organisation patronale du secteur, n’y va pas par quatre chemins. Il qualifie cette initiative de “scandale”, rappelant que les titres-restaurant “ont été créés pour les restaurants”. Leur extension vers la grande distribution priverait ainsi les établissements d’une manne financière estimée à près de 600 millions d’euros.
“C’est un scandale. Les titres-restaurant ont été créés pour les restaurants et leur extension à la grande distribution nous prive de 576 millions d’euros.”
– Thierry Marx, président de l’Umih
Les syndicats de la restauration sont plus nuancés. S’ils reconnaissent l’avantage en termes de pouvoir d’achat pour les consommateurs, ils plaident pour ne pas “continuer de flécher tous les titres-restaurant vers la grande distribution”.
Le gouvernement ouvre la porte au dialogue
Face à la polémique naissante, le gouvernement temporise. Laurence Garnier se dit ouverte à la discussion avec tous les acteurs concernés. Des consultations devraient avoir lieu début 2025, après le vote des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.
“On va laisser passer le PLF et le PLFSS et je recevrai tous les acteurs en début d’année prochaine.”
– Laurence Garnier, secrétaire d’État à la Consommation
En attendant, les Français devraient pouvoir continuer à utiliser leurs titres-restaurant en grandes surfaces en 2025, au grand dam des restaurateurs. La controverse ne fait sans doute que commencer. L’arbitrage du gouvernement, lui, est attendu pour le début d’année prochaine. Entre soutien au pouvoir d’achat et défense des restaurateurs, l’exécutif marche sur des œufs.
Les titres-restaurant, un enjeu économique et social majeur
Au-delà de la polémique, le débat sur l’extension des titres-restaurant met en lumière leur importance dans l’économie et la société françaises.
Un marché de plusieurs milliards d’euros
Avec plus de 700 000 entreprises utilisatrices et 4 millions de salariés bénéficiaires, le marché des titres-restaurant pèse lourd. En 2022, ce sont près de 6 milliards d’euros qui ont été émis.
Historiquement réservés à la restauration, les titres-restaurant représentent une part significative du chiffre d’affaires des établissements, en particulier le midi en semaine. On comprend mieux pourquoi l’extension de leur utilisation inquiète tant les restaurateurs.
Un rôle social à préserver
Mais les titres-restaurant sont plus qu’un outil économique. Ils jouent un véritable rôle social en permettant aux salariés de se restaurer à moindre coût le midi. Ce qui était à l’origine une incitation à prendre une vraie pause déjeuner est devenu pour beaucoup un complément de revenu indispensable.
En ces temps d’inflation, cet aspect est plus crucial que jamais. C’est tout l’enjeu des discussions à venir : comment préserver le pouvoir d’achat des salariés sans mettre en péril tout un secteur économique ?
Vers une réforme des titres-restaurant ?
Au-delà de l’arbitrage sur l’extension, c’est peut-être toute la philosophie des titres-restaurant qu’il faudrait repenser. Faut-il les voir comme un outil de soutien au pouvoir d’achat ou comme un soutien ciblé à la restauration ?
Quelques pistes de réflexion :
- Moduler le plafond journalier en fonction de l’utilisation (restaurant ou courses)
- Instaurer des quotas pour garantir un équilibre entre les deux utilisations
- Revaloriser la participation employeur pour augmenter le pouvoir d’achat sans pénaliser les restaurateurs
- Créer un “ticket courses” distinct du titre-restaurant traditionnel
Une chose est sûre, le débat est loin d’être clos. Économique, social, fiscal… Les enjeux sont multiples et complexes. Gouvernement, restaurateurs, entreprises, salariés… Tous les acteurs devront être associés à la réflexion pour trouver le juste équilibre.
En attendant, les Français scruteront avec attention les prochains arbitrages du gouvernement. Extension ou pas, les titres-restaurant resteront au cœur des débats dans les mois à venir.