C’est une véritable année noire à laquelle est confronté le géant aéronautique américain Boeing en 2024. Alors que l’entreprise semblait remonter la pente après les déboires des 737 MAX, une succession de problèmes est venue assombrir l’horizon. Entre défauts de fabrication, procédures judiciaires, valse des dirigeants et mécontentement social, la crise s’enracine et menace la réputation ainsi que la santé financière du constructeur. Retour sur une année marquée par les turbulences.
Quand les problèmes de qualité refont surface
Tout commence le 5 janvier lorsqu’un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines, livré seulement 3 mois auparavant, perd une porte-bouchon en plein vol. Heureusement, seules quelques blessures légères sont à déplorer parmi les passagers. Mais un mois plus tard, le National Transportation Safety Board (NTSB) révèle que plusieurs boulons de fixation de cet élément étaient manquants sur l’appareil. De quoi rappeler les problèmes de contrôle qualité ayant contribué aux tragédies du 737 MAX.
Un constat alarmant qui se confirme le 26 février quand une commission d’experts indépendants pointe du doigt des carences persistantes en matière de sécurité chez Boeing, formulant pas moins de 53 recommandations. Deux jours plus tard, un audit de la Federal Aviation Administration (FAA) enfonce le clou en identifiant des “problèmes de non-conformité”. L’autorité de régulation décide dans la foulée de geler temporairement la cadence de production du 737 MAX, une décision lourde de conséquences pour Boeing.
Têtes qui tombent et fantômes du passé
Ces révélations entraînent un jeu de chaises musicales au sommet de Boeing. Fin mars, l’entreprise annonce le départ, d’ici la fin de l’année, de son directeur général Dave Calhoun. Dans le même temps, le patron de la branche aviation commerciale et le président du conseil d’administration sont remerciés avec effet immédiat. Un véritable séisme qui traduit l’ampleur de la crise de confiance.
Mais les affaires judiciaires ne sont pas en reste. Mi-mai, le ministère de la Justice estime que Boeing a enfreint un accord conclu en 2021 à la suite des crashes meurtriers de deux 737 MAX. Le spectre de poursuites pénales fédérales refait surface. Et malgré un accord de principe annoncé en juillet puis un dépôt de plaider-coupable, l’épée de Damoclès judiciaire reste suspendue au-dessus de l’avionneur, le juge fédéral n’ayant toujours pas validé cet accord à la fin octobre.
Avenirs incertains et présent compliqué
Outre les problèmes immédiats, ce sont aussi les grands projets d’avenir de Boeing qui vacillent. Fin août, l’entreprise doit suspendre les essais de certification de son ambitieux programme de long-courrier 777X suite à une défaillance technique. Un nouveau retard pour un appareil déjà très attendu et dont les premières livraisons, initialement prévues pour 2020, se retrouvent ainsi repoussées.
Comme si cela ne suffisait pas, Boeing doit parallèlement gérer un important mouvement social. Les négociations sur un nouvel accord, devant couvrir plus de 33 000 employés de la région de Seattle, échouent début septembre. Résultat : une grève est déclenchée le 13, paralysant les chaînes d’assemblage des modèles phares du constructeur. Malgré plusieurs tentatives de négociation, aucune issue n’est trouvée à la fin octobre. Boeing a même dû annoncer des mesures d’économies comme la mise au chômage temporaire de dizaines de milliers de salariés.
Turbulences financières et doutes sur l’avenir
En plus du conflit social, les mauvaises nouvelles s’accumulent aussi sur le plan financier. Début octobre, l’agence de notation Standard & Poor’s menace d’abaisser la note de Boeing, un signal inquiétant envoyé aux investisseurs. Quelques jours plus tard, le groupe annonce la suppression de 10% de ses effectifs mondiaux, l’arrêt d’un programme de fret et de nouveaux retards sur le 777X. Des mesures d’urgence complétées à la mi-octobre par un vaste plan visant à renflouer la trésorerie, avec jusqu’à 25 milliards de dollars de levée de fonds.
Illustration de l’ampleur de la crise, Boeing publie le 23 octobre sa plus grosse perte nette trimestrielle depuis 4 ans, à plus de 6 milliards de dollars. Un plongeon dans le rouge causé par l’accumulation des problèmes industriels, sociaux et réglementaires. Un véritable crash financier qui fait craindre le pire pour l’avenir du fleuron américain, même si un espoir de sortie de crise existe avec le vote des employés sur un nouveau projet d’accord salarial négocié quelques jours auparavant.
2024 restera quoi qu’il arrive comme une année noire pour Boeing. Désormais, tout l’enjeu pour l’entreprise est de parvenir à redresser la barre en regagnant la confiance du régulateur, des compagnies clientes et du grand public. Un défi immense pour le nouveau dirigeant qui devra composer avec un climat interne sous haute tension et un marché aérien en pleine transformation post-Covid. L’avionneur emblématique parviendra-t-il à retrouver un jour son aura et ses performances passées ? Rien n’est moins sûr tant le trou d’air actuel semble profond et durable. L’annus horribilis 2024 pourrait n’être que le signe avant-coureur de turbulences bien plus violentes à venir pour Boeing…