C’est un coup dur pour l’industrie des semi-conducteurs en Europe. Le projet phare d’une méga-usine de puces électroniques en Allemagne, porté par le fabricant américain Wolfspeed et le sous-traitant automobile ZF, vient d’être suspendu sine die. Cette décision, qui intervient dans un contexte de crise du secteur automobile et des semi-conducteurs, sonne comme un nouveau revers pour l’économie allemande et pour les ambitions européennes dans cette industrie stratégique.
Wolfspeed met en pause son projet à 2,7 milliards d’euros
Annoncé en grande pompe en février dernier, le projet d’implantation d’une gigantesque usine de semi-conducteurs en carbure de silicium (SiC) dans la Sarre, près de la frontière française, devait représenter un investissement de 2,7 milliards d’euros. Mais selon les autorités locales, le fabricant américain Wolfspeed a décidé de reporter cet investissement “à une date indéterminée”, en fonction de l’évolution du marché.
Un porte-parole de ZF, partenaire du projet, a précisé que le maintien de l’équipementier automobile allemand dans l’opération n’était désormais plus certain si celle-ci venait à se concrétiser. Le site choisi, une ancienne centrale à charbon à Ensdorf, restera donc en friche pour le moment. Au moins 600 emplois étaient prévus.
La crise automobile et des puces plombe le secteur
Ce coup d’arrêt brutal s’explique par le ralentissement de la demande pour les voitures électriques, gros consommateurs de puces, qui fragilise toute la chaîne de valeur. En Allemagne en particulier, les ventes stagnent et l’ensemble du secteur est en souffrance. ZF a ainsi annoncé en juillet la suppression potentielle de 25% de ses effectifs allemands, soit 14 000 postes.
L’industrie automobile traverse une période difficile, avec une profonde incertitude quant à la situation du marché.
Anke Rehlinger, ministre-présidente de Sarre
Un nouveau revers pour l’économie allemande
Au-delà du “revers” pour la Sarre, privée d’un investissement majeur, c’est toute l’économie allemande qui tangue. Le pays est au bord de la récession et le gouvernement d’Olaf Scholz voit ses ambitions industrielles contrariées. En septembre déjà, Intel avait reporté un autre méga-projet d’usine de puces à Magdebourg, malgré près de 10 milliards d’euros de subventions publiques promises.
L’Europe veut produire 20% des puces mondiales en 2030
Ces déboires plombent aussi la stratégie de l’Union Européenne qui veut reconquérir sa souveraineté dans les semi-conducteurs, un secteur ultra-dominé par l’Asie. Bruxelles s’est fixé pour objectif de porter à 20% la part de l’UE dans la production mondiale de puces en 2030, contre moins de 10% actuellement. Mais pour y parvenir, il faudra convaincre les géants du secteur d’installer leurs usines sur le sol européen malgré un contexte économique de plus en plus incertain.
Industrie des puces : un avenir en pointillés
Si le projet Wolfspeed n’est pas définitivement enterré, sa suspension prolongée symbolise les immenses défis auxquels fait face l’Europe pour rebâtir une industrie des semi-conducteurs compétitive et résiliente. Il faudra à la fois des investissements massifs, une demande soutenue, un écosystème favorable à l’innovation et une volonté politique sans faille. Un pari de plus en plus risqué alors que les nuages s’accumulent sur l’économie du Vieux Continent.
