Le destin d’un ambitieux projet industriel américain en Allemagne semble compromis. Selon des informations rapportées par plusieurs médias allemands, le fabricant de semi-conducteurs Wolfspeed envisagerait d’abandonner la construction de ce qui devait être “la plus grande usine au monde” de puces électroniques nouvelle génération. Cette potentielle volte-face jette une ombre inquiétante sur l’attractivité et la compétitivité de la première économie européenne.
Un projet pharaonique sur le point de s’effondrer
En février 2023, le géant américain Wolfspeed avait annoncé en grande pompe son intention d’investir près de 2 milliards d’euros dans une méga-usine de semi-conducteurs en carbure de silicium (SIC) en partenariat avec l’équipementier automobile allemand ZF. Le site pressenti était celui d’une ancienne centrale à charbon à Ensdorf en Sarre, près de la frontière française, avec un début de chantier prévu en 2025.
Mais voilà qu’à peine quelques mois plus tard, le Frankfurter Allgemeine Zeitung et le Handelsblatt affirment que Wolfspeed s’apprêterait à reporter sine die cet investissement. La raison invoquée serait le développement trop lent du marché des véhicules électriques auquel étaient prioritairement destinés les composants produits. Une annonce officielle pourrait intervenir début novembre lors de la présentation des résultats trimestriels de la société.
L’équipementier ZF se désengage
Signe de la gravité de la situation, le partenaire allemand ZF aurait également pris ses distances avec le projet selon le Handelsblatt. L’entreprise conteste cependant être à l’origine des atermoiements de Wolfspeed et affirme avoir “toujours soutenu intensivement et activement” le projet. Un porte-parole précise que “la construction de l’usine n’est plus à l’ordre du jour” mais que la responsabilité en incombe à l’industriel américain.
Wolfspeed est responsable du projet que ZF a toujours soutenu de manière intensive et active.
– Un porte-parole de ZF
La filière automobile allemande en difficulté
Cette possible défection est à replacer dans le contexte morose du secteur automobile outre-Rhin, et plus largement européen, où les ventes de véhicules électriques marquent le pas. Un coup dur pour la filière et ses équipementiers comme ZF qui a annoncé en juillet vouloir supprimer jusqu’à 15% de ses effectifs en Allemagne, soit près de 15 000 emplois.
Le spectre d’Intel
Ce n’est malheureusement pas la première déconvenue de ce type pour le gouvernement allemand. En septembre, le géant américain des microprocesseurs Intel avait déjà annoncé reporter son propre projet de “méga-fab” à Magdebourg, en invoquant lui aussi des problèmes de demande. Un véritable camouflet alors que Berlin avait promis près de 10 milliards d’euros d’aides pour attirer l’entreprise.
L’attractivité de l’Allemagne en question
Plus largement, c’est toute la politique industrielle et l’attractivité du “Made in Germany” qui semble vaciller face à ces revirements d’investisseurs étrangers. Malgré des subventions massives, la première économie européenne, au bord de la récession, peine à convaincre les multinationales de miser sur son territoire dans des secteurs clés comme les semi-conducteurs.
Et les ambitions de l’Union Européenne de reconquérir une place de choix dans ce domaine ultra-stratégique dominé par l’Asie en pâtissent également. Bruxelles visait 20% de parts du marché mondial des puces à l’horizon 2030. Un objectif qui pourrait s’avérer plus que jamais difficile à atteindre sans le concours de poids lourds comme Wolfspeed. L’Europe semi-conductrice est-elle en train de perdre la course ?