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Frappes israéliennes au Liban : Amnesty réclame une enquête

Amnesty demande une enquête internationale sur les raids israéliens au Liban contre une société de microcrédits liée au Hezbollah. L'ONG estime que ces frappes pourraient constituer un crime de guerre en violation du droit humanitaire...

Une institution financière libanaise dans le collimateur d’Israël. Dimanche soir, les forces de l’État hébreu ont mené des frappes aériennes contre plusieurs branches d’Al-Qard al-Hassan, une société de microcrédits affiliée au Hezbollah. Selon une source proche du dossier, les raids ont visé des succursales dans la banlieue sud de Beyrouth ainsi que dans le sud et l’est du pays du Cèdre.

Cette institution, qui offre des services bancaires à des centaines de milliers de Libanais, est depuis longtemps dans le viseur des autorités américaines et israéliennes en raison de ses liens étroits avec le Hezbollah, un mouvement chiite considéré comme une organisation terroriste par Washington. Malgré les sanctions imposées par les États-Unis, Al-Qard al-Hassan demeure une bouée de sauvetage économique pour de nombreux citoyens grâce à ses prêts sans intérêts respectant les principes de la finance islamique.

Amnesty International exige l’ouverture d’une enquête

Face à ces bombardements, Amnesty International hausse le ton. Mardi, la célèbre ONG de défense des droits humains a estimé que ces frappes pourraient constituer “un crime de guerre” et a exigé l’ouverture “de toute urgence” d’une enquête internationale. Selon l’organisation basée à Londres, même si Al-Qard al-Hassan finance effectivement le Hezbollah comme l’affirme Israël, “il est peu probable qu’elle réponde aux critères définissant un objectif militaire, en particulier pour les filiales qui servent des clients civils”.

“Être associé au Hezbollah ne suffit pas pour qu’un immeuble civil, ou les civils qui y sont, soient classés comme des objectifs militaires”

Amnesty International

Pour Amnesty, cibler cette institution financière qui représente “une bouée de sauvetage économique pour de nombreux civils libanais” pourrait constituer “une violation du droit humanitaire international”. L’ONG pointe également du doigt le fait qu’Israël a appelé la population à évacuer moins de 40 minutes avant le début des frappes. Une décision qui montre selon elle “comment Israël ne tient pas compte du droit humanitaire international”.

Le Hezbollah défend le caractère “civil” d’Al-Qard al-Hassan

De son côté, le Hezbollah assure qu’Al-Qard al-Hassan est “une institution totalement civile, enregistrée selon la loi”. Lors d’une conférence de presse mardi, le responsable des relations médias du mouvement chiite, Mohammad Afif, a affirmé que “ses services sont proposés à tous les Libanais sans exception”. L’organisation se présente en effet comme une ONG qui fournit des microcrédits aux particuliers, artisans et PME, en appliquant les principes de la finance islamique basés sur des prêts sans intérêts.

Une situation explosive dans un Liban en crise

Ces raids interviennent dans un contexte déjà explosif au Liban. Le pays traverse depuis 2019 une crise économique, sociale et politique inédite, aggravée par l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth en août 2020. Avec une monnaie nationale qui a perdu plus de 90% de sa valeur et une inflation galopante, une grande partie de la population est tombée dans la pauvreté.

Dans ce marasme, Al-Qard al-Hassan apparaît comme un rare filet de sécurité financier pour les plus démunis, en particulier la communauté chiite dont est issu le Hezbollah. D’où la sensibilité de ces frappes israéliennes, qui risquent d’attiser les tensions communautaires et de fragiliser encore davantage le fragile équilibre du pays.

Israël et le Hezbollah, ennemis jurés

Il faut dire qu’Israël et le Hezbollah sont des ennemis de longue date. L’État hébreu considère le parti chiite, soutenu par l’Iran, comme la principale menace à ses frontières nord. Les deux camps se sont affrontés à plusieurs reprises, notamment lors d’une guerre dévastatrice en 2006.

Depuis, si un calme précaire règne à la frontière, les tensions restent vives. Israël mène régulièrement des raids en Syrie voisine contre des positions du Hezbollah ou de son allié iranien. Le mouvement chiite a de son côté promis de répliquer en cas d’attaque contre le Liban.

Ces derniers raids contre Al-Qard al-Hassan marquent donc une escalade dangereuse. Ils interviennent sur fond de blocage politique au Liban où le Hezbollah et ses alliés paralysent la formation d’un nouveau gouvernement. Une situation explosive qui fait craindre à beaucoup un embrasement, sur fond de crise économique et sociale.

D’où l’appel d’Amnesty à une enquête internationale rapide et impartiale. Un appel à la désescalade et à la retenue, dans un pays et une région qui n’ont vraiment pas besoin d’une nouvelle guerre. Reste à voir si cet appel sera entendu par les différents protagonistes.

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