Les mémoires posthumes d’Alexeï Navalny, intitulées “Patriote”, sont enfin disponibles dans le monde entier. Cet ouvrage très attendu lève le voile sur le parcours et le combat acharné de l’opposant russe le plus célèbre contre la corruption endémique qui gangrène son pays. À travers ses souvenirs, Navalny nous entraîne dans les coulisses du pouvoir russe et de la répression orchestrée par le président Vladimir Poutine.
Un regard unique sur la Russie post-soviétique
Né en 1976, Alexeï Navalny a grandi dans l’URSS finissante, où les pénuries étaient monnaie courante. Très vite, il prend conscience des travers du système. Étudiant, il découvre l’omniprésence de la corruption, des professeurs qu’on achète aux oligarques qui s’accaparent des pans entiers de l’économie. Son jugement sur l’élite politique est sans appel :
Boris Eltsine était malhonnête, un alcoolique entouré d’escrocs cyniques. Dmitri Medvedev n’est pas seulement un crétin, mais un type corrompu jusqu’à la moelle.
Un opposant déterminé malgré la répression
Au fil des pages, Navalny retrace son engagement dans la lutte anticorruption et la répression féroce dont il est victime. Censuré par les médias traditionnels, il se tourne vers Internet pour diffuser ses enquêtes et mobiliser ses soutiens. Malgré les pressions, les condamnations et les peines de prison, il persévère dans son combat.
En 2020, alors qu’il est en déplacement en Sibérie, Navalny est victime d’un empoisonnement à l’agent neurotoxique. Plongé dans le coma, il frôle la mort. Après une longue convalescence en Allemagne, il choisit malgré tout de rentrer en Russie en janvier 2021, où il est immédiatement arrêté.
La prison ou la “torture” selon Navalny
Les chapitres consacrés à son incarcération sont poignants. Navalny y dépeint les brimades constantes, les refus de soins malgré une santé défaillante, la surveillance permanente. Pour avoir osé faire une grève de la faim afin de consulter des médecins, il est envoyé à de multiples reprises au “Shizo”, un “trou noir en béton” glacial où la musique est diffusée à plein volume jour et nuit. “Un lieu de torture”, résume-t-il.
L’opposant raconte aussi les hurlements d’un détenu qualifié de “fou furieux” dans la cellule voisine, son transfert dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique où règne un froid polaire. Un enfer carcéral qui prendra fin le 16 février 2024, lorsqu’Alexeï Navalny est déclaré mort à 47 ans, dans des circonstances plus que troubles.
Un hommage vibrant malgré la tragédie
Si le récit s’achève sur une note tragique, toute l’ironie et l’humanité de Navalny transparaissent au fil des pages. Lui qui n’avait “plus peur” livre un témoignage essentiel, salué dans le monde entier. L’éditrice Caroline Babulle parle d’un “livre qu’il est important de publier”.
Patriote en dit moins sur la politique de Navalny que sur sa décence fondamentale, son sens de l’humour ironique et son stoïcisme (surtout) joyeux dans des conditions qui aplatiraient quelqu’un d’autre.
The New York Times
Pour la veuve de l’opposant Ioulia Navalnaïa, la sortie simultanée dans “des dizaines de pays et dans plus de vingt langues” est un hommage à son combat mais aussi à l’homme qu’il était. Un héritage que ce livre permet de transmettre aux générations futures, pour que son sacrifice ne soit pas vain.