Alors que le Royaume-Uni se prépare à la présentation du premier budget de son nouveau gouvernement travailliste, les derniers chiffres du déficit budgétaire font l’effet d’une douche froide. Selon des sources proches du dossier, l’emprunt public a dépassé de 1,5 milliard de livres les prévisions officielles en septembre, atteignant la somme vertigineuse de 16,6 milliards de livres (20 milliards d’euros). Un dérapage qui tombe au plus mal à quelques jours d’un budget déjà annoncé comme « douloureux » en raison de finances publiques exsangues.
Une dette publique qui frôle des records historiques
Si le montant de l’emprunt en septembre reste inférieur aux prévisions les plus pessimistes des économistes, le bilan global depuis le début de l’année fiscale en avril est particulièrement préoccupant. Le pays a emprunté près de 6,7 milliards de livres (8,1 milliards d’euros) de plus que les projections de l’Office for Budget Responsibility (OBR), l’organisme indépendant chargé des prévisions budgétaires. Quant à la dette publique, elle a atteint en août le seuil symbolique de 100% du produit intérieur brut (PIB), un niveau plus vu depuis les années 1960. Même si ce chiffre provisoire a été légèrement revu à la baisse en septembre, la dette reste à un niveau alarmant de 98,5% du PIB.
Un héritage empoisonné pour le gouvernement travailliste
Pour le gouvernement travailliste, arrivé au pouvoir début juillet après une campagne axée sur la « discipline budgétaire de fer », cet héritage budgétaire s’apparente à un véritable boulet. Les finances publiques britanniques ont été lourdement affectées par les aides massives distribuées pendant la pandémie de Covid-19 et la crise énergétique. Selon des sources gouvernementales, l’exécutif pointerait un « trou noir » de 22 milliards de livres dans les caisses de l’État, laissé par la précédente majorité conservatrice.
Un budget très attendu et redouté
C’est dans ce contexte budgétaire tendu que la ministre des Finances Rachel Reeves doit présenter le 30 octobre prochain le premier budget du gouvernement travailliste. Un exercice particulièrement attendu par les Britanniques mais redouté par les entreprises. Selon des fuites dans la presse, il devrait combiner hausses d’impôts et resserrement des dépenses publiques, même si les travaillistes ont promis de ne pas alourdir la fiscalité pour les travailleurs.
Il faudra des décisions difficiles pour combler ce trou noir lors du budget de la semaine prochaine, pour réparer les fondations de notre économie et commencer à tenir la promesse du changement.
Darren Jones, secrétaire en chef du Trésor britannique
Pour le nouveau gouvernement, l’enjeu est de taille. Après des débuts difficiles qui ont vu la popularité du Premier ministre Keir Starmer chuter, l’exécutif joue gros avec ce premier budget. Mais la marge de manœuvre semble étroite comme le souligne Alex Kerr, analyste chez Capital Economics :
Les chiffres publiés mardi soulignent la marge de manœuvre limitée dont dispose (le gouvernement) pour augmenter les dépenses courantes sans accroître les impôts.
Alex Kerr, analyste chez Capital Economics
Quelles options pour redresser les comptes publics ?
Face à cette équation budgétaire complexe, quelles sont les options qui s’offrent au gouvernement travailliste pour tenter de redresser les comptes publics du pays ? Voici quelques pistes envisagées :
- Augmenter les impôts pour les entreprises et les ménages les plus aisés afin de générer de nouvelles recettes fiscales
- Réduire certaines dépenses publiques jugées non prioritaires pour réaliser des économies
- Relancer la croissance économique via des investissements ciblés pour stimuler l’activité et donc les rentrées fiscales
- Étaler le remboursement de la dette sur une période plus longue pour alléger la charge budgétaire immédiate
Mais aucune de ces options n’est indolore et le gouvernement devra plus que jamais convaincre de la pertinence de ses choix budgétaires. Les arbitrages qui seront présentés le 30 octobre prochain seront scrutés de près. Ils donneront le ton de la politique économique et budgétaire du Royaume-Uni pour les prochaines années, à l’heure où le pays doit affronter une conjoncture économique particulièrement incertaine, entre guerre en Ukraine, envolée des prix de l’énergie et spectre d’une récession.
Une chose est sûre : après des années de crise et de déficits à répétition, le Royaume-Uni n’a plus de temps à perdre pour assainir ses comptes publics et tenter de réduire son énorme dette. Un défi budgétaire de taille pour le gouvernement travailliste qui joue là une grande partie de sa crédibilité économique et politique.