Les ambitions de l’Espagne dans le domaine de l’hydrogène vert pourraient bien être contrariées. En effet, le géant pétrolier Repsol vient d’annoncer le gel de tous ses projets d’investissements dans ce secteur d’avenir sur le territoire espagnol. Une décision lourde de conséquences, motivée par un “environnement réglementaire défavorable” lié à l’instauration par le gouvernement d’une taxe permanente sur les bénéfices exceptionnels des groupes énergétiques.
Trois projets majeurs suspendus
Selon une source proche du dossier, ce sont trois projets d’envergure qui sont concernés par ce gel des investissements. Le premier, d’une capacité de 100 mégawatts, devait voir le jour à Bilbao dans le nord du pays. Le second, également de 100 MW, était prévu à Carthagène dans le sud-est. Enfin, le dernier et le plus important avec ses 150 MW, devait être implanté à Tarragone en Catalogne. Des projets ambitieux qui devaient contribuer à faire de l’Espagne un leader dans le domaine de l’hydrogène vert, produit à partir d’électricité renouvelable et non de combustibles fossiles.
Un cadre réglementaire défavorable aux investissements
Mais pour Repsol, le nouveau cadre réglementaire instauré par le gouvernement espagnol n’est pas propice aux investissements à long terme nécessaires à la transition énergétique industrielle. En cause, la décision de l’exécutif de pérenniser une taxe sur les bénéfices extraordinaires des entreprises du secteur de l’énergie, initialement prévue pour être temporaire.
Cette mesure risque de punir les entreprises qui investissent dans des actifs industriels, génèrent de l’emploi et garantissent l’indépendance énergétique de l’Espagne, tout en favorisant les importateurs qui ne génèrent pas d’activité économique pertinente.
Repsol
Les ambitions espagnoles dans l’hydrogène vert compromises ?
Cette décision de Repsol est un coup dur pour les ambitions de l’Espagne dans le domaine de l’hydrogène vert. Le pays compte en effet sur ses nombreuses fermes solaires et éoliennes pour devenir un leader mondial de cette énergie propre, amenée à jouer un rôle clé dans la décarbonation de l’économie. L’hydrogène peut en effet remplacer le charbon dans les industries énergivores comme la sidérurgie, servir à fabriquer des engrais ou encore faire fonctionner des bus, des trains et même des avions.
Reste à savoir si cette suspension des investissements de Repsol sera suivie par d’autres acteurs du secteur. Et si le gouvernement espagnol reviendra sur sa décision d’instaurer une taxe permanente sur les bénéfices exceptionnels, afin de créer un environnement plus favorable aux investissements nécessaires à la transition énergétique. L’avenir du leadership espagnol dans l’hydrogène vert en dépend peut-être.
L’hydrogène vert, un enjeu stratégique
Au-delà de l’Espagne, l’hydrogène vert est considéré comme un enjeu stratégique par de nombreux pays dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et de la décarbonation de l’économie. Son développement nécessite cependant des investissements massifs dans les énergies renouvelables et les infrastructures de production et de distribution.
- L’Union Européenne s’est fixée pour objectif de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici 2030.
- La France vise 6,5 GW de capacités d’électrolyseurs et 20 à 40% d’hydrogène décarboné dans sa consommation industrielle en 2030.
- L’Allemagne prévoit 5 GW d’ici 2030 et 10 GW supplémentaires d’ici 2040.
Des objectifs ambitieux qui nécessiteront la mobilisation de tous les acteurs, publics comme privés. Et un cadre réglementaire et fiscal stable et incitatif, pour favoriser les investissements de long terme. La décision de Repsol en Espagne montre à quel point cet équilibre peut être fragile. Et combien la route vers une économie décarbonée est encore longue et semée d’embûches, malgré l’urgence climatique.
Quelles conséquences pour le secteur de l’hydrogène vert en Espagne ?
Le gel des investissements de Repsol dans l’hydrogène vert espagnol risque d’avoir des conséquences importantes pour l’ensemble du secteur. D’autres acteurs pourraient en effet être tentés de suivre le mouvement, face à un environnement fiscal et réglementaire jugé peu favorable.
Cela pourrait ralentir le développement de cette filière d’avenir dans le pays, alors même que l’Espagne dispose de nombreux atouts pour devenir un leader mondial : un ensoleillement important, de vastes espaces pour implanter des fermes solaires et éoliennes, des ports pour exporter l’hydrogène produit…
Une chose est sûre : le gouvernement espagnol va devoir rapidement clarifier sa position et envoyer des signaux forts aux investisseurs s’il veut maintenir ses ambitions dans ce domaine. Faute de quoi, c’est tout un pan de la stratégie de décarbonation du pays qui pourrait être remis en question. Avec des conséquences potentiellement lourdes sur le plan environnemental, mais aussi économique et social.
Car au-delà des enjeux climatiques, le développement d’une filière hydrogène vert est aussi un formidable gisement d’emplois et de croissance pour les années et décennies à venir. Un gisement que l’Espagne a tout intérêt à exploiter pleinement, dans un contexte de relance post-Covid et de recherche de nouveaux moteurs économiques.
Le chemin est encore long et semé d’obstacles, comme le montre la décision de Repsol. Mais les enjeux sont trop importants pour baisser les bras. L’avenir énergétique et industriel de l’Espagne, et plus largement de l’Europe, se joue aussi sur le terrain de l’hydrogène vert. Un terrain qu’il faut absolument investir et défricher, pour construire un futur plus durable et plus soutenable.