En Flandre, le vent tourne pour certains imams turcs. Cinq d’entre eux, officiant depuis plusieurs années dans des mosquées d’Anvers, Gand, Saint-Nicolas, Diest et Lommel, viennent de se voir refuser le renouvellement de leur permis de travail. Une décision lourde de conséquences, qui s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle législation visant à limiter l’influence étrangère sur le territoire flamand.
Une loi qui fait débat
Depuis le 1er mai 2024, la Flandre interdit en effet aux « migrants économiques » d’être employés par un État étranger. Or, les cinq imams concernés appartiennent tous au réseau de la Diyanet, la principale autorité religieuse musulmane de Turquie. Ils sont donc considérés comme des « salariés d’un État étranger », explique Zuhal Demir, ministre régionale en charge de la Justice, dans un communiqué.
Cette décision, qui s’appuie sur une méfiance grandissante des autorités face aux menaces d’ingérence étrangère, ne fait pas l’unanimité. Certains y voient une mesure stricte mais nécessaire pour préserver l’indépendance des lieux de culte, tandis que d’autres dénoncent une atteinte à la liberté religieuse.
Un lien controversé avec le régime turc
Au cœur du débat, le lien entre le réseau Diyanet et le gouvernement turc. Pour Zuhal Demir, issue du parti conservateur flamand N-VA, « on ne peut pas séparer le réseau Diyanet du régime autoritaire d’Erdogan qui règne à Ankara ». Une proximité qui inquiète, alors que les tensions diplomatiques entre la Belgique et la Turquie se sont accrues ces dernières années.
Nous devons prendre la balle au bond et décider de mesures strictes contre l’ingérence étrangère.
Zuhal Demir, ministre régionale en charge de la Justice
Un avenir incertain pour les imams concernés
Pour les cinq imams, c’est un coup dur. La perte de leur permis de travail pourrait en effet entraîner le retrait de leur permis de séjour. Ils ont désormais trois mois pour trouver un nouvel employeur non lié au gouvernement turc, sous peine de devoir quitter le territoire belge.
Une issue qui semble difficile à éviter, tant le réseau Diyanet est présent dans les mosquées flamandes. Selon une source proche du dossier, la majorité des imams turcs officiant en Flandre seraient concernés par cette nouvelle législation.
Des recours possibles, mais limités
Face à cette décision, les options sont limitées pour les imams. Ils disposent certes de 60 jours pour contester la mesure devant le Conseil d’État, mais les chances de succès semblent minces. La législation flamande est en effet claire sur les conditions d’emploi des « migrants économiques ».
Reste la possibilité de demander la reconnaissance officielle de leur mosquée par les autorités régionales, une démarche qui permettrait de contourner l’interdiction. Mais là encore, le chemin est semé d’embûches. À ce jour, seuls deux tiers des demandes de renouvellement de permis de travail dans des lieux de culte reconnus ont été acceptées en Flandre.
Un débat qui dépasse les frontières flamandes
Si la décision ne concerne pour l’instant que la Flandre, elle pourrait faire des émules dans les autres régions du pays. La question de l’ingérence étrangère dans les lieux de culte est en effet un sujet sensible partout en Belgique, où l’islam est la deuxième religion après le catholicisme.
Au-delà des frontières belges, c’est toute l’Europe qui est concernée par cette problématique. Plusieurs pays, comme la France ou l’Allemagne, ont déjà pris des mesures pour limiter l’influence des États étrangers sur leurs lieux de culte. Une tendance qui devrait se confirmer dans les années à venir, alors que les questions identitaires et religieuses occupent une place de plus en plus importante dans le débat public.
Conclusion
La décision des autorités flamandes de ne pas renouveler les permis de travail de cinq imams turcs est donc lourde de sens. Elle témoigne d’une volonté de reprise en main des lieux de culte par les pouvoirs publics, face à ce qui est perçu comme une menace d’ingérence étrangère.
Mais elle soulève aussi de nombreuses questions sur la place de l’islam en Belgique et en Europe, et sur les moyens de concilier liberté religieuse et préservation des valeurs démocratiques. Un débat complexe et passionnel, qui est loin d’être clos.