Lundi matin, le tribunal correctionnel de Bobigny a été le théâtre d’un véritable imbroglio procédural lors de l’ouverture du procès du vaste trafic de stupéfiants de Canteleu, petite commune de Seine-Maritime. Alors que dix-huit prévenus, dont l’ex-maire de la ville Mélanie Boulanger, étaient présents dans le box des accusés, un cafouillage sans nom a très vite plongé magistrats, avocats et prévenus dans la perplexité.
Une situation ubuesque pointée par la défense
D’entrée de jeu, les robes noires de la défense ont mis le doigt sur une situation pour le moins ubuesque. Me Yves Leberquier, n’y est pas allé par quatre chemins, qualifiant ce procès de « bordel judiciaire ». En effet, plusieurs pourvois devant la Cour de cassation sont toujours en attente de réponse, rendant l’examen au fond de l’affaire pour le moins saugrenu en l’état.
Certains pourvois ont été déposés le 22 mai, visant des décisions de la chambre de l’instruction rendues seulement la veille. Un timing serré qui interroge sur la précipitation de la justice dans ce dossier tentaculaire.
– Me Yves Leberquier, avocat de la défense
Pour couronner le tout, il s’avère que des passages de la procédure, pourtant définitivement annulés, figurent toujours au dossier. Un détail qui n’a pas manqué de faire tiquer les robes noires.
Des copies du dossier non-conformes
Mais le clou du spectacle est venu de la remarque de Me Fabien Lahaie. L’avocat de l’un des trois prévenus détenus a souligné, sans être démenti par le parquet, que la copie originale du dossier sur laquelle se base le tribunal n’est pas identique à celle transmise aux avocats de la défense. Une bizarrerie contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Le dossier est tellement kafkaïen qu’il plonge le ministère public lui-même dans le désarroi le plus total !
– Me Fabien Lahaie, avocat de la défense
Un procès renvoyé en touche
Acculée, l’institution judiciaire a dû se résoudre à renvoyer l’audience en continuation jusqu’à lundi prochain. Une décision qui permettra d’attendre la réponse de dame Cour de cassation sur la recevabilité des derniers pourvois. Le couperet est sans appel :
- Si la juridiction suprême les estime dignes d’être étudiés, le procès devrait être reporté sine die.
- A contrario, si elle les rejette, les débats pourront alors enfin démarrer sur le fond.
Reste que la défense ne compte pas en rester là, et entend bien plaider la nullité de l’ordonnance de renvoi. Les juges d’instruction sont particulièrement pointés du doigt pour avoir clôturé le dossier un peu vite, en y incluant des éléments annulés par les précédentes décisions.
Une justice empêtrée dans ses propres lacets
Au final, ce cafouillage pose la question épineuse du maintien en détention des mis en cause, qui ne peuvent indéfiniment croupir en prison dans l’attente de leur procès. Un sacré casse-tête juridique en perspective.
Cette embarrassante situation met une nouvelle fois en lumière les travers d’une institution judiciaire prompte à fustiger les manœuvres dilatoires des avocats… tout en tendant elle-même le bâton pour se faire battre ! L’affaire de Canteleu n’a décidément pas fini de faire parler d’elle, pour le plus grand dam d’une justice qui semble peiner à se dépêtrer de cet invraisemblable sac de nœuds procédural.