En cette fin d’année 2024, la France renforce son soutien militaire à l’Ukraine en mobilisant les intérêts des actifs russes gelés sur son territoire. Selon des révélations du ministre des Armées Sébastien Lecornu dans une interview accordée à La Tribune, Paris a en effet “récupéré” pas moins de 300 millions d’euros d’intérêts générés par ces avoirs immobilisés, une somme qui va permettre de financer l’achat de nouveaux équipements pour les forces ukrainiennes.
De nouveaux canons Caesar et missiles pour Kiev
Grâce à cette manne financière inattendue, la France va pouvoir commander 12 canons Caesar supplémentaires qui viendront s’ajouter à la soixantaine déjà livrés et à la vingtaine encore prévue d’ici la fin de l’année. Au total, ce sont donc près de 80 exemplaires de cette pièce d’artillerie de 155 mm qui auront été fournis à l’armée ukrainienne par Paris depuis le début du conflit.
Mais les livraisons françaises ne s’arrêtent pas là. Outre les canons, l’enveloppe de 300 millions d’euros va aussi financer l’acquisition d’obus de 155 mm, de missiles sol-air Aster, de bombes guidées AASM, de postes de tir et de missiles anti-aériens légers Mistral. Un véritable arsenal pour aider l’Ukraine à consolider ses capacités de défense face à l’agresseur russe.
Renforcer Kiev dans la perspective de négociations
Pour Sébastien Lecornu, cette nouvelle aide s’inscrit dans une logique de long terme visant à placer l’Ukraine en position de force en vue d’éventuelles négociations avec Moscou. Le président Volodymyr Zelensky a d’ailleurs présenté cette semaine à ses alliés occidentaux un “plan pour la victoire” destiné justement à mettre son pays sur les rails d’un règlement politique du conflit.
Ce plan montre surtout que l’Ukraine se prépare à d’éventuelles négociations. A nous de l’aider à s’asseoir à la table des discussions avec un rapport de force favorable.
Sébastien Lecornu, ministre français des Armées
Aux yeux du ministre français, “certains aspects” de ce plan “sont intéressants et méritent d’être travaillés et documentés“. Mais une chose est sûre : pour Paris, il est crucial d’aider Kiev à peser dans un éventuel dialogue. “Car, de toute évidence, la Russie ne respectera que le rapport de force“, tranche Sébastien Lecornu.
Près de 80 canons Caesar livrés fin 2024
Côté artillerie, le parc de canons Caesar ukrainiens va donc encore s’étoffer dans les mois à venir. Fabriquées par le français Nexter, ces pièces automotrices de 155 mm se sont illustrées par leur efficacité et leur précision depuis le début de la guerre, malgré des pertes et une usure liées à un usage intensif sur le champ de bataille.
Avec les 12 exemplaires supplémentaires qui viennent d’être commandés grâce aux intérêts des actifs russes gelés, l’Ukraine disposera à la fin de l’année d’environ 80 canons français de ce type. Un renfort considérable pour tenir la ligne de front face aux troupes de Vladimir Poutine.
Missiles et bombes pour durcir les sanctions
La livraison de missiles sol-air Aster et de bombes guidées AASM démontre par ailleurs la volonté française d’aider l’Ukraine à renforcer sa défense anti-aérienne face aux frappes de missiles et de drones russes. De même, les missiles légers Mistral viendront compléter le dispositif pour protéger le ciel ukrainien.
En mobilisant ainsi les intérêts des avoirs russes gelés dans le cadre des sanctions internationales, la France fait en quelque sorte d’une pierre deux coups. Non seulement ces fonds immobilisés servent concrètement la cause ukrainienne, mais ils permettent aussi de durcir encore un peu plus la pression économique et financière sur Moscou.
Préparer l’Ukraine à négocier en position de force
Sur le plan diplomatique, ce nouveau train de mesures vise clairement à conforter les efforts de Volodymyr Zelensky pour aborder un éventuel processus de paix dans les meilleures conditions. Son “plan de victoire” a reçu un accueil plutôt positif des Occidentaux, même si beaucoup de questions restent en suspens.
Pour la France en tout cas, il est essentiel de continuer à épauler militairement l’Ukraine afin qu’elle puisse négocier le moment venu sans être en position de faiblesse. C’est le sens du message martelé par Sébastien Lecornu, pour qui seul un rapport de force favorable pourra amener la Russie à se montrer raisonnable.
Les intérêts des actifs gelés, une manne providentielle
En attendant, les 300 millions d’euros “récupérés” par Paris tombent à point nommé pour financer de nouvelles livraisons d’armes à Kiev sans trop alourdir le budget français de la défense. Une aubaine alors que le conflit entre dans son 20ème mois sans perspective de fin rapide.
Cette utilisation judicieuse des intérêts des avoirs russes gelés apparaît à bien des égards comme un moyen astucieux de faire contribuer Moscou, bien malgré lui, à l’effort de guerre ukrainien. Tout en maintenant une pression économique maximale sur le régime de Vladimir Poutine.
En route vers une “fin juste” du conflit ?
Reste à savoir si cette nouvelle pierre à l’édifice du soutien occidental suffira à faire pencher la balance en faveur de l’Ukraine sur le terrain militaire et diplomatique. Si le “plan de victoire” de Volodymyr Zelensky vise officiellement à mettre un terme “juste et rapide” à la guerre, le chemin semble encore long et semé d’embûches.
Mais en contribuant à rééquilibrer le rapport de force, l’aide française et celle des autres alliés entretiennent l’espoir d’un règlement négocié qui ne soit pas dicté par Moscou. Un objectif plus que jamais crucial après bientôt deux ans d’une guerre dévastatrice au cœur de l’Europe.