Les précipitations records qui s’abattent actuellement sur plusieurs régions françaises soulèvent de nombreuses questions. Comment expliquer l’intensité de ces phénomènes météorologiques exceptionnels ? Près de 600 mm d’eau sont déjà tombés en Ardèche en seulement 2 jours, une quantité proprement hallucinante. Des villages entiers sont sous les eaux, des routes et voies ferrées coupées. La ministre de la Transition écologique elle-même évoque “du jamais vu de mémoire d’homme”. Alors, quelles sont les causes derrière ces pluies diluviennes d’une rare violence ?
Trois phénomènes météo simultanés
D’après les experts, le sud de la France subit actuellement la conjonction de trois phénomènes météorologiques distincts mais concomitants : un épisode cévenol en Ardèche, un épisode méditerranéen dans les Alpes-Maritimes et une dépression remontant du sud-ouest vers le nord. Les épisodes cévenols et méditerranéens sont assez classiques en automne, avec un flux de sud chaud et humide qui, en rencontrant les reliefs, génère des pluies intenses.
Mais cette fois, un élément supplémentaire est venu aggraver la situation : les restes de l’ancien cyclone Leslie ont rencontré une Méditerranée plus chaude que la normale de 1 à 2°C. Or chaque degré de réchauffement des eaux entraîne 7% de vapeur d’eau précipitable en plus selon la loi de Clausius-Clapeyron. Des températures marines anormalement élevées qui s’expliquent très probablement par le changement climatique en cours.
Des sols gorgés d’eau et un relief accidenté
Si les cumuls de précipitations sont exceptionnels, la configuration des zones touchées explique en partie l’ampleur des inondations constatées. Les sols étaient déjà quasiment saturés après un mois de septembre particulièrement pluvieux, le plus arrosé depuis 25 ans. La moindre goutte d’eau supplémentaire ruisselle donc immédiatement sans pouvoir s’infiltrer.
De plus, les régions impactées se caractérisent par un relief montagneux prononcé. L’eau tombée sur de petites surfaces pentues dévale alors à toute vitesse pour venir gonfler brutalement les cours d’eau en aval. C’est ce qui explique des crues éclair spectaculaires comme celle du Gier, dont le niveau est monté de 5 mètres en moins de 7 heures !
On est vraiment sur un régime de montagne. L’eau coule beaucoup plus vite et vient alimenter très très vite en aval les cours d’eau qui arrivent dans les vallées.
Lucie Chadourne-Facon, hydrologue
L’empreinte probable du changement climatique
S’il faudra attendre des études plus poussées pour établir formellement le lien, de nombreux experts estiment que l’intensité de ces évènements météo extrêmes est très probablement influencée par le réchauffement global. Selon le spécialiste des risques climatiques Laurent Boissier, on assiste à “une sorte d’intensification, d’exagération liée au changement climatique”, avec un passage très rapide d’un extrême à l’autre, d’une sécheresse intense à des pluies diluviennes.
Un “double paradoxe” qui risque malheureusement de devenir de plus en plus fréquent dans les années à venir. Car la France n’est pas un cas isolé. Ces dernières semaines, de nombreux pays à travers le monde ont aussi été frappés par des phénomènes climatiques d’une rare violence :
- La tempête Boris qui a provoqué des inondations exceptionnelles en Europe centrale
- Une mousson particulièrement intense au Pakistan
- Les super typhons Yagi et Bebinca en Asie
- L’ouragan Hélène aux États-Unis (226 morts)
- Plus de 1500 victimes des pluies diluviennes en Afrique de l’Ouest et centrale
Autant d’évènements que l’observatoire européen Copernicus associe également au dérèglement climatique. Septembre 2024 a ainsi été le 2ème mois de septembre le plus chaud jamais enregistré dans le monde.
Un bilan humain et matériel très lourd
Face à ces intempéries d’une ampleur inédite, les secours sont sur le pont jour et nuit. En 48h, les pompiers ont effectué plus de 3000 interventions et procédé à une cinquantaine de sauvetages, dont de nombreux hélitreuillages. Un dispositif exceptionnel rendu nécessaire par le nombre de zones à couvrir simultanément.
Au total, un millier de personnes ont déjà dû être mises en sécurité. Mais le bilan humain aurait pu être bien plus lourd sans l’abnégation des secouristes. Quant aux dégâts matériels, ils s’annoncent considérables. Des maisons, des commerces, des routes ont été dévastés par les eaux.
Dans les prochains jours, l’heure sera à l’évaluation précise de l’étendue des dommages et à la reconstruction. Un processus long et coûteux qui mettra du temps à effacer les stigmates de ces pluies historiques. En espérant que cet épisode dramatique serve au moins de prise de conscience sur l’urgence d’agir plus fortement face au défi climatique.
