Ces dernières années, la question migratoire est devenue un enjeu majeur pour l’avenir de l’Europe. Alors que certains pays comme l’Allemagne avaient opté pour une politique d’ouverture en 2015, le vent semble tourner. Face à la pression migratoire croissante et la montée des partis anti-immigration, l’Union européenne est en train d’opérer un virage répressif. Un tournant historique qui pourrait changer durablement le visage du continent.
L’époque Merkel : un appel d’air qui a déstabilisé l’Europe
En 2015, au plus fort de la crise des réfugiés syriens et irakiens, la chancelière allemande Angela Merkel avait fait le pari audacieux d’ouvrir grand les portes de son pays. « Wir schaffen das ! » (Nous y arriverons !), proclamait-elle avec une foi inébranlable en la capacité d’accueil et d’intégration de l’Allemagne. Sept ans et 2,5 millions de demandeurs d’asile plus tard, force est de constater que cette politique généreuse a eu des répercussions profondes, non seulement en Allemagne mais dans toute l’Europe.
Selon des sources proches des milieux politiques européens, l’« appel d’air » créé par la politique de la chancelière aurait grandement compliqué les efforts des pays de première ligne comme la Grèce ou l’Italie pour contenir les flux. Résultat : une crise migratoire sans précédent qui a durablement déstabilisé le continent.
Un nouveau paradigme : la fermeté avant tout
Mais les temps changent. Sept ans après la crise de 2015, le vent souffle désormais dans l’autre sens. Partout en Europe, la tonalité s’est durcie sur la question migratoire. Le concept d’« Europe forteresse », autrefois réprouvé, est en passe de devenir la norme.
Pour la survie de la démocratie libérale en Europe, il est vital que nous reprenions le contrôle de nos frontières.
– Donald Tusk, ancien président du Conseil européen
L’exemple le plus frappant est sans doute celui de l’Allemagne elle-même. Confronté à une poussée de l’extrême droite dans plusieurs régions, le gouvernement de coalition mené par le social-démocrate Olaf Scholz vient d’annoncer une série de mesures visant à durcir considérablement sa politique migratoire : rétablissement des contrôles aux frontières, procédures d’asile accélérées, restrictions de l’aide sociale aux migrants… Un virage à 180 degrés par rapport à l’ère Merkel.
Le modèle Orban n’est plus un épouvantail
Plus étonnant encore, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, longtemps considéré comme un paria en Europe pour sa ligne dure sur l’immigration, fait désormais quasiment figure de précurseur. Ses méthodes musclées, comme l’érection d’une clôture barbelée à la frontière serbe, suscitent de moins en moins d’indignation parmi ses homologues européens.
Même son de cloche en Italie, où la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni est en train de s’imposer comme un modèle pour une nouvelle génération de dirigeants européens décomplexés sur la question migratoire. Sa politique d’externalisation de la demande d’asile vers des pays tiers comme l’Albanie fait des émules.
Un réveil douloureux mais nécessaire ?
Certains y voient un tournant regrettable, un reniement des valeurs humanistes qui ont fait la grandeur de l’Europe. D’autres estiment au contraire qu’il s’agit d’un réveil douloureux mais nécessaire, une prise de conscience salutaire des limites de la capacité d’accueil du continent.
Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : la donne est en train de changer radicalement sur le front migratoire européen. Après des années de tergiversations et de divisions, l’Union européenne semble enfin décidée à parler d’une seule voix. Une voix de fermeté qui tranche avec l’optimisme béat des années Merkel.
Reste à savoir si cette nouvelle ligne parviendra à endiguer durablement les flux, sans porter atteinte aux droits fondamentaux des migrants. Un défi de taille pour une Europe qui cherche encore son équilibre entre humanité et réalisme.